Il y a quelques mois, l'habitué des histoires-d'amour-compliquées-en-costumes Joe Wright réécrivait sa propre histoire dans un film d'action survolté, dopé à la musique des Chemical Brothers. Loin des déambulations romantiques d'Orgueil et Préjugés (2005) et de Reviens-moi (2007), l'adrénaline d'Hanna (2001) ouvrait une toute nouvelle perspective sur la carrière du cinéaste anglais.
Une surprise d'autant plus amère que Joe Wright retrouvait quelques mois plus tard sa muse Keira Knightley pour une troisième romance tirée d'un classique de la littérature - , du Russe Leon Tolstoï. Après Greta Garbo, Vivien Leigh et Sophie Marceau, Keira Knightley devenait ainsi la huitième actrice à incarner cette figure tragique, incapable de choisir entre son mariage avec un aristocrate et son aventure avec un autre homme. Jude Law, Aaron Johnson, Kelly MacDonald, Emily Watson, Olivia Williams et la Français Raphaël Personnaz rejoignaient rapidement le casting.
Sagement calibré pour décrocher quelques larmes et nominations aux Oscar, Anna Karenina est cependant devenu plus qu'intrigant lorsque les vrais enjeux ont été dévoilés.
Car à quelques semaines du tournage, le réalisateur a décidé de revoir l'intégralité de son film. Avec seulement quatre semaines de tournage en Russie et la peur de se répéter, il choisit de "véritablement exprimer l'essence de l'histoire" et de filmer la quasi-totalité des scènes dans un décor unique - une scène de théâtre londonienne.
Parce que le livre parle de "la quête d'une vie authentique", le film se rapprochera des yeux de l'héroïne, attachée à un décor transformé en patinoire ou en gare, le temps d'une scène. Les quelques séquences tournées en décor naturel seront celles du personnage satellite Levin, le seul à être en prise avec le réel.
Joe Wright parlait, avec Empire, de "fluidité linéaire. On peut marcher d'une maison sous la 'scène' à un circuit équestre". De son côté, le producteur Paul Webster s'enthousiasmait : "Nous créons un cinéma véritable, un univers élastique. On peut passer une porte et trouver un paysage russe." Inévitablement comparée à Dogville de Lars von Trier, cette approche rappelle que Joe Wright est de plus en plus formaliste - le plan-séquence de Reviens-moi et les scènes d'action d'Hanna en attestaient déjà.
La première volée d'images de ce film ambitieux démontre en tous les cas le soin apporté aux costumes et aux couleurs - en plus de montrer la beauté diaphane de Keira Knightley, princesse glaciale de ce conte morbide. Visiblement attirée par les extrêmes, l'actrice est aussi attendue dans Seeking a Friend at the End of the World, une comédie farfelue sur la fin du monde.
Anna Karenina sort le 3 octobre.
Geoffrey Crété