L'actrice allemande Pola Kinski, fille de Klaus Kinski, posant à Hambourg le 29 mai 2001© Abaca
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Il a pu avoir cette image de monstre sacré du cinéma, Klaus Kinski se résume désormais au seul mot de monstre. Des rumeurs couraient sur les agissements de cet homme notoirement tyrannique, mais lorsque sa fille aînée Pola a révélé les viols qu'elle a subis, à travers son livre Kindermund ("Paroles d'enfant") en janvier dernier, personne n'a osé la contredire. Le Nouvel Observateur est parti à la rencontre de cette femme qui a brisé le tabou et remis en cause à jamais la légende du héros de Fitzcarraldo. Une rencontre aussi bouleversante que traumatisante.
Le ton est donné dès le titre de l'article du Nouvel Obs, "Mon père, ce minable", mais la lecture n'en reste pas moins difficile. Fille de Klaus Kinski et de la chanteuse Gislinde Kühlbeck dont il divorcera en 1955, Pola Kinski, 61 ans, est devenue une actrice de théâtre, mais aussi de téléfilms. Elle a épousé il y a trente ans Wolfgang Hoepner et est mère de trois enfants. Avant cette famille qu'elle a fondée, il y a eu d'innombrables épreuves. Elle les raconte dans Kindermund, qui s'apprête à sortir en France aux éditions Michel Lafon et sous le titre de Tu ne diras jamais rien.
La première phrase de la quatrième de couverture de cet ouvrage autobiographique glace le sang : "Les premiers attouchements ont eu lieu lorsque j'avais 5 ans. Le premier viol – dans ma robe de communiante –, ce fut à 9 ans. Ses yeux ont fixé les miens : 'Tu ne diras rien. Jamais ! Si tu parles, j'irai en prison'." Un enfer qui durera jusqu'à ses 19 ans, atrocement seule. Après avoir été sa victime encore une fois à l'aube de ses 20 ans, elle décide de tout lui écrire dans une lettre. Elle le reverra et il retentera. Cette fois, elle se réveille de son cauchemar et s'enfuit. Pola dénonce aujourd'hui publiquement, des années après la tragédie, parce qu'elle a attendu d'être prête et que ses trois enfants soient grands. Elle voulait mettre fin à l'image d'idole qu'il pouvait avoir en Allemagne et ailleurs, celle d'un génie, alors qu'il était "cet être humain qui n'en respectait aucun".
Ce qu'elle avait de lui, Pola Kinski a tout jeté, les robes, les cadeaux. A sa mort en 1991, sa demi-soeur, l'actrice de Tess Nastassja Kinski, et Pola n'iront pas aux obsèques. Nastassja, que son père a tenté d'abuser sans aller jusqu'au bout, soutiendra sa grande soeur en interview au Bild Zeitung : "Ma soeur est une héroïne d'avoir brisé le silence." Seul leur demi-frère Nikolaï se rendra aux funérailles, mais il a aussi pris parti pour sa soeur blessée, "ayant honte" de son père. Avec sa mère, Pola vivra une relation douloureuse. Elle lui a tout avoué lorsqu'elle avait 19 ans, mais la jeune fille qu'elle était savait que sa mère ne l'aimait pas, la considérant comme une rivale. Pola tentera de renouer tout de même des contacts mais elle ne recevra jamais de compassion de la part de sa mère, qui "se doutait de quelque chose" lorsqu'elle subissait les assauts de son père.
Enfant traumatisée, souffrant au plus profond de sa chair, Pola Kinski se tait des années durant, acceptant les appels de son père : "J'avais plein de photos de lui dans ma chambre, c'était mon héros. Ce n'est qu'après que j'ai compris que c'était un minable." Elle racontera qu'il lui refaisait sa garde-robe pour en faire un "objet sexuel de luxe" : "A Pigalle, il m'a acheté de la lingerie. Il aimait bien aussi me photographier. Il me maquillait comme une prostituée." Lui-même, Klaus Kinski décrivait dans ses autobiographies son comportement monstrueux à peine déguisé : "A travers toute cette fornication, je ne cherche qu'à donner de l'amour. Peu importe à qui, ma mère ou ma soeur, ma femme ou ma fille." Le réalisateur avec qui il a travaillé, Werner Herzog, se confiait dans ses mémoires, Conquête de l'inutile : "Il se fiche des lois. [...] Il décrit ce qu'il a fait à ses deux filles, Pola et Nastassja. Rien que pour ça il aurait dû avoir vingt ans de prison, se vante-t-il."
La disparition de Klaus Kinski a permis à Pola d'enlever "sa peau de boue", mais il lui aura fallu vingt ans pour se reconstruire et ouvrir son coeur abîmé.
Retrouvez l'intégralité de l'entretien dans Le Nouvel Observateur du 3 octobre
Le ton est donné dès le titre de l'article du Nouvel Obs, "Mon père, ce minable", mais la lecture n'en reste pas moins difficile. Fille de Klaus Kinski et de la chanteuse Gislinde Kühlbeck dont il divorcera en 1955, Pola Kinski, 61 ans, est devenue une actrice de théâtre, mais aussi de téléfilms. Elle a épousé il y a trente ans Wolfgang Hoepner et est mère de trois enfants. Avant cette famille qu'elle a fondée, il y a eu d'innombrables épreuves. Elle les raconte dans Kindermund, qui s'apprête à sortir en France aux éditions Michel Lafon et sous le titre de Tu ne diras jamais rien.
La première phrase de la quatrième de couverture de cet ouvrage autobiographique glace le sang : "Les premiers attouchements ont eu lieu lorsque j'avais 5 ans. Le premier viol – dans ma robe de communiante –, ce fut à 9 ans. Ses yeux ont fixé les miens : 'Tu ne diras rien. Jamais ! Si tu parles, j'irai en prison'." Un enfer qui durera jusqu'à ses 19 ans, atrocement seule. Après avoir été sa victime encore une fois à l'aube de ses 20 ans, elle décide de tout lui écrire dans une lettre. Elle le reverra et il retentera. Cette fois, elle se réveille de son cauchemar et s'enfuit. Pola dénonce aujourd'hui publiquement, des années après la tragédie, parce qu'elle a attendu d'être prête et que ses trois enfants soient grands. Elle voulait mettre fin à l'image d'idole qu'il pouvait avoir en Allemagne et ailleurs, celle d'un génie, alors qu'il était "cet être humain qui n'en respectait aucun".
Ce qu'elle avait de lui, Pola Kinski a tout jeté, les robes, les cadeaux. A sa mort en 1991, sa demi-soeur, l'actrice de Tess Nastassja Kinski, et Pola n'iront pas aux obsèques. Nastassja, que son père a tenté d'abuser sans aller jusqu'au bout, soutiendra sa grande soeur en interview au Bild Zeitung : "Ma soeur est une héroïne d'avoir brisé le silence." Seul leur demi-frère Nikolaï se rendra aux funérailles, mais il a aussi pris parti pour sa soeur blessée, "ayant honte" de son père. Avec sa mère, Pola vivra une relation douloureuse. Elle lui a tout avoué lorsqu'elle avait 19 ans, mais la jeune fille qu'elle était savait que sa mère ne l'aimait pas, la considérant comme une rivale. Pola tentera de renouer tout de même des contacts mais elle ne recevra jamais de compassion de la part de sa mère, qui "se doutait de quelque chose" lorsqu'elle subissait les assauts de son père.
Enfant traumatisée, souffrant au plus profond de sa chair, Pola Kinski se tait des années durant, acceptant les appels de son père : "J'avais plein de photos de lui dans ma chambre, c'était mon héros. Ce n'est qu'après que j'ai compris que c'était un minable." Elle racontera qu'il lui refaisait sa garde-robe pour en faire un "objet sexuel de luxe" : "A Pigalle, il m'a acheté de la lingerie. Il aimait bien aussi me photographier. Il me maquillait comme une prostituée." Lui-même, Klaus Kinski décrivait dans ses autobiographies son comportement monstrueux à peine déguisé : "A travers toute cette fornication, je ne cherche qu'à donner de l'amour. Peu importe à qui, ma mère ou ma soeur, ma femme ou ma fille." Le réalisateur avec qui il a travaillé, Werner Herzog, se confiait dans ses mémoires, Conquête de l'inutile : "Il se fiche des lois. [...] Il décrit ce qu'il a fait à ses deux filles, Pola et Nastassja. Rien que pour ça il aurait dû avoir vingt ans de prison, se vante-t-il."
La disparition de Klaus Kinski a permis à Pola d'enlever "sa peau de boue", mais il lui aura fallu vingt ans pour se reconstruire et ouvrir son coeur abîmé.
Retrouvez l'intégralité de l'entretien dans Le Nouvel Observateur du 3 octobre