Sous une carrure de rugbyman se cachait l'un des plus grands chefs d'orchestre de l'Histoire. Kurt Masur et sa grande carcasse ont joué leur dernière partition le 19 décembre. L'homme est mort à l'âge de 88 ans, après avoir marqué de son empreinte l'histoire de la musique.
Né en 1927 en Silésie, initié à la musique par les cours de piano que prenaient ses soeurs, Kurt Masur voit son rêve de musicien être arrêté par une maladie génétique qui lui occasionne des contractures aux tendons des doigts. Enrôlé sous la bannière nazie durant la Seconde Guerre mondiale, à l'âge de 17 ans, il participe aux combats à bord d'un tank. À la fin de la guerre, il entrera au conservatoire de Leipzig, où il prendra la voie qui le conduira à devenir chef d'orchestre.
En 1955, il prend la direction du philharmonique de Dresde, puis du Komische Oper de Berlin-Est avant de connaître la consécration en étant à la tête du Gewandhaus de Leipzig, l'orchestre de Bach et Mendelssohn. Durant vingt-six ans, vitrine du régime communiste qui dirige d'une main de fer l'Europe de l'Est, il parcourt le monde avec son ensemble et donne plus de 900 représentations.
En 1989, alors que le peuple descend dans les rues des capitales de l'Est et que le régime soviétique réprime parfois dans le sang les manifestations, le chef d'orchestre prend la parole un soir d'octobre à Leipzig, se plaçant entre les tanks et la population. Il appelle au dialogue. Quelques jours plus tard, le mur de Berlin tombe et l'Union soviétique avec.
Devenue icône populaire, Kurt Masur refusera pourtant de se lancer en politique et se consacrera à son art, le seul qui selon lui "donne la clé de tous les autres. C'est celui qui pénètre le plus profondément dans l'âme humaine", relève le journal Libération dans un article du 21 décembre qui lui est consacré.
On le retrouvera à la tête du Philharmonique de New York, puis celui de Londres, avant de venir sauver l'Orchestre national de France en 2002. C'est en le dirigeant au Théâtre des Champs-Élysées qu'il chutera de son pupitre en pleine Symphonie pathétique de Tchaïkovski, l'obligeant à révéler qu'il souffre de la maladie de Parkinson.
Reconnu et admiré de tous, Kurt Masur s'était fait une spécialité du répertoire romantique et post-romantique. Ses interprétations de Brahms, Mendelssohn, Schumann et Beethoven resteront dans l'histoire de la musique classique.
Il laisse cinq enfants. Il était marié depuis 1975 à la Japonaise Tomoko Sakurai, qui l'avait sorti de sa dépression après la mort de sa deuxième femme, décédée dans un accident de voiture - qu'il avait provoqué.