Scandale sur le perron de Matignon et effroi dans les cuisines de l'Élysée. Quand la ministre Nicole Bricq, sur le ton de la confidence, a qualifié le dîner d'État servi la veille de "dégueulasse", la directrice de cabinet de François Hollande, Sylvie Hubac, organise une réunion de crise. Bernard Vaussion, 40 ans derrière les fourneaux de l'Élysée, a pris sa retraite en novembre dernier : il défend bec et ongle l'une des plus prestigieuses tables françaises et son poulain Guillaume Gomez, humilié par Nicole Bricq...
Dans les cuisines élyséennes depuis 1974, chef depuis sa nomination par Jacques Chirac en 2005, Bernard Vaussion connaît l'exigence de cette table et la performance que représente le service d'un dîner d'État, comme celui donné le 26 mars dernier pour les 300 dignitaires chinois et leur président Xi Jinping. Un dîner préparé par Guillaume Gomez qui succède à Bernard Vaussion. Quelques jours plus tard, sur ce perron de Matignon qui voyait aujourd'hui Manuel Valls succéder à Jean-Marc Ayrault, Nicole Bricq, ministre du Commerce extérieur, s'adresse à Brigitte Ayrault : "Franchement, la maison Matignon ... Y'a pas photo. À L'Élysée c'était pas du tout... Non, c'était dégueulasse. Il faut le dire !" La ministre ignore qu'elle est filmée, BFMTV diffuse les images. Scandale !
Remonté comme une pendule
"J'ai sauté sur ma chaise, confie Bernard Vaussion au Figaro. Puis j'ai été en colère. Ce n'est pas possible d'entendre des termes aussi radicaux et triviaux dans la bouche d'une ministre." Colère et tristesse dans les cuisines, Guillaume Gomez présente sa démission à François Hollande qui la refuse. Nicole Bricq présente ses excuses, lesquelles sont refusées par le jeune chef. "Oui, il était remonté comme une pendule, poursuit le chef Vaussion. [...] Monsieur Hollande l'avait félicité après le dîner. Guillaume Gomez est un garçon jeune. Il est meilleur ouvrier de France et a une passion pour ce métier. Nous avons travaillé dix-sept ans ensemble. De tels propos blessent forcément le chef, mais détruisent aussi tout le travail de la brigade." Aurait-il mieux fait ? Bernard Vaussion est catégorique : "Pas du tout."
À quelques heures d'un remaniement ministériel, Nicole Bricq conservera-t-elle son portefeuille ? Guillaume Gomez, lui, reste au fourneaux de l'Élysée. Une place enviable et unique dont Bernard Vaussion révèle quelques secrets depuis son départ. Pour Le Figaro, il évoque notamment l'importance que peut prendre une première dame au palais à l'heure où la France n'en a plus : "Cela apporte un plus et permet sans doute un contact plus direct avec le couple présidentiel, confie Bernard Vaussion. Bernadette Chirac était une vraie maîtresse de maison à 120%. Cécilia [Cécilia Attias, ex-Sarkozy, NDLR] est aussi venue me voir rapidement pour me dire : 'On va travailler ensemble'. Danielle Mitterrand nous faisait confiance et Carla Bruni-Sarkozy ne descendait pas non plus dans les cuisines."
François Hollande célibataire, le chef Gomez doit composer seul avec le maître des lieux. Si son premier dîner a été entaché par la pénible sortie de Nicole Bricq, Guillaume Gomez a reçu de nombreux messages de sympathie. Sur Facebook, le jeune chef a tenu à les remercier : "Merci à toutes et tous pour vos soutiens et vos messages qui me touchent. Avec la brigade, nous allons continuer à faire notre travail, avec la même passion et le même dévouement."