Elle venait de fêter ses 100 ans, le 31 janvier 2012, et avait reçu à cette occasion un beau cadeau de la part du président de la République portugaise Cavaco Silva, qui l'avait décorée le jour même de l'ordre du mérite civil en récompense de ses inlassables actions philanthropiques. Elle qui s'était toujours dévouée à autrui, depuis le temps de son engagement fameux contre l'agresseur nazi, qui a failli lui coûter la vie étant enfant... La princesse Maria Adelaide de Bragança van Uden, infante du Portugal, est morte quelques jours plus tard, vendredi 24 février 2012, s'éteignant paisiblement à son domicile de Caparica. A 100 ans et 24 jours, elle était vraisemblablement la doyenne des royaux européens, et d'ailleurs la première d'entre eux à être devenue centenaire. Une messe privée a eu lieu chez elle, avant des funérailles nationales programmées jeudi 1er mars à 18 heures au magnifique monastère des Hiéronymites (patrimoine mondial de l'UNESCO), à Lisbonne.
Avec sa disparition, c'est une figure remarquable qui disparaît mais aussi une sacrée page de l'histoire du Portugal et de son passé monarchique se tourne : l'infante Maria Adelaide, fille de Miguel (II), duc de Bragança et de la princesse Maria Theresa de Löwenstein-Wertheim-Rosenberg, était la dernière survivante des petits-enfants du roi (1828-1834) Miguel Ier du Portugal (mort en 1866) et de la princesse Adelaide de Löwenstein-Wertheim-Rosenberg, qui reposent au monastère de São Vicente de Fora à Lisbonne. Elle était également la filleule du roi Manuel II du Portugal (dernier monarque éphémère de 1908 à 1910, suite au régicide de son père Carlos Ier et jusqu'à la révolution républicaine et l'abolition de la monarchie) ainsi que la tante de Duarte Pio, 24e duc de Bragança, chef de la Maison royale du Portugal et prétendant au trône.
De la Seconde Guerre mondiale et la guerre contre l'envahisseur à Almada et la guerre contre la pauvreté, un bel "héritage national"...
Lors de l'hommage funèbre qui lui sera rendu jeudi, l'histoire personnelle de l'infante Maria Adelaide sera inévitablement revisitée et saluée comme il se doit. Née en 1912 à Saint-Jean-de-Luz, benjamine des huit enfants du second mariage de son père, qui vécut en exil en Autriche, Maria Adelaide, après avoir vécu une enfance relativement pauvre (une existence familiale plus semblable au commun des mortels d'alors qu'à des conditions de vie "royales") et connu la Première Guerre mondiale, s'était rendue célèbre, travaillant comme infirmière et assistante sociale à Vienne, en participant activement à la résistance autrichienne face à l'occupation nazie durant la Seconde Guerre mondiale. A la nuit tombée, elle venait notamment en aide aux victimes des bombardements nazis. Des activités qui lui valurent d'être arrêtée par la Gestapo et condamnée à mort. Un sort auquel l'infante du Portugal échappa in extremis grâce à l'intervention du président du Conseil des ministres portugais Antonio de Oliveira Salazar, qui obtint sa libération par le régime nazi en la présentant comme un "héritage national". Déportée, elle s'installa provisoirement en Autriche auprès de son frère Duarte Nuno, jusqu'à ce que la famille puisse retourner vivre en Autriche.
Mariée en 1945 à Vienne au docteur néerlandais Nicolaas van Uden (décédé en 1991), son cadet de neuf ans, l'infante Maria Adelaide a eu six enfants portant tous le nom de "Bragança van Uden", quatre garçons et deux filles aujourd'hui âgés d'entre 55 et 65 ans et qui lui donnèrent 21 petits-enfants et six arrière-petits-enfants. Elle était revenue au Portugal en 1949, où son époux, biochimiste spécialisé dans les maladies de la peau, ne put pratiquer la médecine, son diplôme de l'Université de Vienne n'étant pas reconnu. A défaut, il travailla pour un laboratoire de recherche et fut à l'origine de l'Institut scientifique Gulbenkian dans les années 1950. De son côté, Maria Adelaide de Bragança van Uden continua à oeuvrer dans le domaine de l'aide sociale, notamment l'aide sociale à l'enfance, dans la municipalité d'Almada voisine de Lisbonne, se concentrant sur les quartiers pauvres de Caparica. Elle venait en aide aux femmes enceintes et aux nouveaux-nés défavorisés, et recueillait de jeunes orphelins, pris en charge par la Fondation Dom Nunes Alvares Pereira qu'elle présidait.
Une vie entière dédiée à ses frères humains...
G.J.