Si utopie douce-amère et tendresse mélodique se lovaient au creux du tympan avec Quelqu'un d'autre, single marquant de son précédent album qui le fut tout autant, La Grande Sophie n'a besoin que de quelques mesures de sa nouvelle création pour faire souffler le vent du changement : scandé par un piano opiniâtre, tonique et brillant, mené tambour battant par une diction tranchante accompagnée de percussions frissonnantes et de choeurs pressants, doté d'un refrain hypnotique aux nappes vocales étonnantes calquant "le chant des sirènes", Ne m'oublie pas fait sonner, tout en rappelant son exceptionnel talent de mélodiste, toute l'audace de la superbe chanteuse lorraine.
Dans les choeurs haletants et planants, dans la transparence sans fard des arrangements, on décèle "La place du fantôme", titre de ce sixième album de La Grande Sophie, 42 ans et magnifiquement intacte. "C'est l'histoire d'une présence. Qui m'a manqué. Que j'ai cherchée. Et qui n'est jamais arrivée...", livre en guise de préambule, sibylline, celle dont on connaît autant la belle générosité sur scène que l'orfèvrerie dans ses réalisations studio. Celle-ci, à paraître le 13 février 2012, étant épaulée par Vincent Traurelle, Vincent Tauger et Ludovic Bruni (Le Sacre du Tympan, Poni Hoax, Feist, Françoise Hardy, Oxmo Puccino...).
Ne m'oublie pas, en écoute libre sur la page Facebook de l'artiste, ne s'oublie pas comme ça, et, en 214 secondes, fait table rase d'un passé qui faisait la part très belle à la guitare acoustique, incontestablement reine et chef d'orchestre de l'album Des vagues et des ruisseaux en 2009 - loué à raison pour sa volupté et sa sensibilité, primé par l'Académie Charles Cros -, pour exposer "d'autres identités sonores" : La Grande Sophie trouve dans La Place du Fantôme "son équilibre à mi-chemin entre éléments acoustiques et synthés analogiques, sur une rythmique pop et des mélodies toujours aussi claires et inspirées", annonce la maison Universal. "Disque habité d'esprits créatifs et de songes dévoilés", lit-on encore à livre ouvert sur le site officiel de La Grande Sophie, où ses nouvelles dates de concert ont été révélées et où on peut parcourir un étonnant dictionnaire d'images sonores.
Elle feignait de se rêver quelqu'un d'autre, la voilà qui joue avec les ombres et fait danser avec assurance sa voix à un bal fantomatique dont l'ivresse étourdit. A l'impératif ou en supplique, Ne m'oublie pas, doublé du regard de cinéma qui orne le visuel de La Place du Fantôme, rappelle à notre bon souvenir une grande héroïne...
G.J.