C'était à prévoir : si la perspective, maintenant imminente, du 20e anniversaire de la mort tragique de Lady Diana a suscité ces derniers mois bien des hommages respectueux et a même poussé les princes William et Harry à témoigner comme jamais sur le drame de leur vie, la commémoration fait aussi l'objet d'une surenchère médiatique. La chaîne Channel 4 semble précisément sur le point de franchir la ligne jaune.
A une semaine de la diffusion d'un documentaire intitulé Diana: In her own words (Diana de vive voix), un avant-goût de son contenu - des images enregistrées entre 1992 et 1993 au palais de Kensington par Peter Settelen, ancien acteur du feuilleton à succès Coronation Street qui fut le professeur de diction de la princesse - dévoilé par la presse a mis en émoi les gardiens du temple. A commencer par Charles Spencer, 9e comte Spencer : le frère de Diana a même tenté d'empêcher ce programme de passer à l'antenne, invoquant notamment la souffrance émotionnelle qu'il risque de causer à ses neveux. En vain, Channel 4 maintenant la diffusion prévue dimanche 7 août et invoquant la dimension de "contribution historique" du document.
Ces archives ne sont pourtant pas inédites, la chaîne américaine NBC les ayant déjà utilisées en 2004 après une longue bataille judiciaire, ainsi que le rappelle l'AFP. Mais jamais encore la télévision britannique n'avait oser s'en emparer. En 2007, la BBC l'avait envisagé, acquérant les droits, mais avait finalement préféré renoncer.
Dans ces enregistrements vidéo (sept sur les douze réalisés ont été utilisés) qui n'étaient pas destinés à être rendus publics, Diana, décédée le 31 août 1997 dans un accident de voiture à Paris, se confie notamment sans filtre sur l'échec de son mariage avec le prince Charles, fustige le manque de soutien de la famille royale, avoue avoir songé à s'enfuir avec le garde du corps dont elle était tombée amoureuse... Rappelons qu'à l'époque où ces images ont été filmées, la tension est à son paroxysme au sein du couple et la princesse particulièrement vulnérable et à fleur de peau : révélations de conversations privées dans la presse, annonce de la séparation "amiable" en décembre 1992, explosion du "Camillagate" le mois suivant, publication de photos volées de Diana en pleine séance de sport, annonce de son retrait de la vie publique en décembre 1993...
La diffusion de Diana : In Her Own Words risque de s'avérer particulièrement accablante pour l'héritier du trône, le prince Charles, attendu que Lady Di y revient longuement sur les tourments de son mariage avec celui qu'elle n'avait rencontré qu'à treize reprises avant le grand jour et avec qui les relations sexuelles étaient réduites au strict minimum. A propos des débuts de leur histoire, elle raconte par exemple : "Il [le prince Charles] m'a draguée, il ne me lâchait pas, et je me suis dit, vous savez, argh, vous voyez ? Et là, il me saute dessus et commence à m'embrasser, et tout, et je me disais "ouah, c'est pas comme ça que les gens se comportent"." Ou encore cette réponse que lui aurait faite son époux un jour où elle le confronta au sujet de la présence dans sa vie de Camilla Parker Bowles : "Je refuse d'être le seul prince de Galles à n'avoir jamais eu de maîtresse", aurait-il invoqué. Diana avance également que le duc d'Edimbourg aurait dit à son fils "qu'il pourrait toujours retourner avec Camilla au bout de cinq ans si le mariage ne fonctionnait pas".
Parmi les autres révélations sensationnalistes figure aussi celle de son projet de s'enfuir avec son agent de protection, Barry Mannakee, mort dans un accident de moto en 1987. Elle suggère d'ailleurs à un moment qu'il a pu être "éliminé".
Les douze cassettes réalisées par Peter Settelen semblent avoir été initialement saisies par la police en 2001 lors d'une perquisition au domicile de Paul Burrell, ancien majordome de Diana accusé de lui avoir volé des effets personnels. Elles n'ont pas été utilisées lors du procès, la cour estimant leur contenu trop sensible. Peter Settelen avait par la suite engagé une procédure pour les récupérer, mais s'était heurté à la volonté de la famille Spencer de se les approprier. Les deux parties avaient trouvé un terrain d'entente et le professeur de diction avait repris possession des cassettes, qu'il avait ensuite vendues à NBC. "C'est mieux que le public voit ce qu'elle dit, sans que ce soit enjolivé par d'autres", s'était-il justifié à l'époque.
Leur résurgence a également choqué Rosa Monckton, fameuse confidente de Diana, qui a fait part de son dégoût au Daily Mail devant la décision "totalement inappropriée" de Channel 4 : "Imaginez que votre femme, votre fille soit en thérapie dans un moment très difficile et que d'un seul coup on montre cela à la nation. Ça ferait quoi ?, interpelle-t-elle le patron de la chaîne. A quel point c'est intrusif ? Peu importe que vingt années soient passées. Cela ne fait aucune différence. Pensez au mal que vous allez causer à sa famille, à ses fils. Les cassettes auraient dû être envoyées aux garçons. Je trouve que c'est absolument écoeurant."