"On ne devrait pas demander à un enfant de faire ça, quelles que soient les circonstances." Dans les confidences sans filtre qu'il accordait récemment à une journaliste pour la revue Newsweek et rendues publiques le 21 juin 2017, le prince Harry évoquait de manière aussi incisive que poignante le traumatisme des obsèques de la princesse Diana.
On m'a menti
En ce funeste 6 septembre 1997, une semaine après l'accident fatal qui leur a arraché leur mère, les princes William, 15 ans, et Harry, à quelques jours de son 13e anniversaire, suivent lugubrement la dépouille de Lady Di lors d'obsèques nationales ultramédiatisées. Un calvaire d'une demi-heure pour les deux adolescents, du palais St James à l'abbaye de Westminster, avec à leurs côtés leur grand-père le duc d'Edimbourg, leur père le prince Charles et leur oncle maternel Charles Spencer : "Ma mère venait juste de mourir et j'ai dû marcher un long moment derrière son cercueil, se remémore avec aigreur le cadet des deux frères, entouré par des milliers de gens qui me regardaient, pendant que des millions [en fait, plus de 2 milliards à travers le monde, NDLR] faisaient de même à la télévision."
Le pire, c'est que les deux jeunes fils de Diana n'avaient aucune envie d'être là, mais ils n'ont pas eu le choix. Dans un entretien dans l'émission Today sur Radio 4 outre-Manche, le comte Charles Spencer, leur oncle, vient même de révéler qu'on lui avait menti à ce sujet : "On m'a menti et on m'a dit qu'ils voulaient le faire, alors que bien sûr ils ne voulaient pas, mais je n'avais pas réalisé, a assuré le frère de Diana et chef de la famille Spencer, propriétaire du domaine d'Althorp où repose la défunte. C'était le pire moment de la journée, et de très loin... Marcher derrière la dépouille de ma soeur avec deux garçons qui étaient évidemment en plein dans le deuil extrêmement douloureux de leur mère. C'est ce genre de circonstance étrange où on vous disait qu'il suffisait de regarder droit devant. Mais cette sensation, cette espèce de raz-de-marée de chagrin absolument dévastateur qui vous submerge tandis que vous vous enfoncez dans cette sorte de tunnel d'émotion intense, c'était véritablement éprouvant et j'en fais encore des cauchemars aujourd'hui."
Et si le frère de Lady Di, âgé de 33 ans à l'époque, se souvient de ce moment comme "la demi-heure la plus terrifiante de toute sa vie", on peine à imaginer à quel point il fut insoutenable pour ses neveux, contraints de faire "quelque chose de bizarre et de cruelle", comme il le regrette encore.
Au cours de la même interview, le 9e compte Spencer est également revenu sur un autre épisode difficile de cette journée noire : l'éloge funèbre qu'il a dû prononcer quelques minutes plus tard, en l'abbaye de Westminster. "Je regardais droit vers William et Harry par-dessus son cercueil. Au dernier paragraphe, je n'avais plus d'énergie, presque plus d'oxygène. Il me fallait forcer à sortir chaque syllabe du fond de mon estomac", se souvient celui qui se considère comme un "gardien" de la mémoire de sa soeur aînée.
Se considérant comme étant alors "le représentant d'une famille dans le chagrin, dans un pays en deuil et devant un monde en état de choc", il ne s'était pas contenté de rendre hommage à "la quintessence de l'empathie, du devoir, du style et de la beauté" qu'incarnait Diana : il avait aussi évoqué le traitement qu'elle subissait au sein de la famille royale et de la part des médias, la décrivant comme "la personne la plus traquée de l'ère moderne". "Je ne cherchais pas à envoyer de piques à qui que ce soit, tempère-t-il a posteriori. Il ne me semble pas que j'aie dit tant de choses acerbes. Je crois que chaque mot que j'ai prononcés était la vérité et c'était important pour moi d'être honnête. J'essayais de célébrer Diana, et si cela passait par faire apparaître la presse d'une manière négative, eh bien, c'était mérité."
Charles Spencer sera l'un des intervenants d'un document télévisé en deux parties qui sera diffusé les 9 et 10 août, The Story of Diana, dans le cadre du 20e anniversaire de la disparition de la princesse des coeurs.