Frédérick Bousquet n'aborde pas les championnats de France de natation de Strasbourg, qualificatifs pour les Mondiaux de Shanghai (24-31 juillet), dans les meilleures conditions.
Si le nageur licencié au Cercle des Nageurs de Marseille, qui s'entraîne à l'année outre-Atlantique sous la houlette de Brett Hawke sur le campus d'Alabama avec les Auburn Tigers, sera bien présent et n'entend pas modifier son programme, avec sa bien-aimée Laure Manaudou attendue en tribunes pour l'encourager, il a entamé un bras de fer résolu avec les instances nationales. La première semonce s'est produite en tout début de semaine : excédé que la Fédération Française s'oppose à la présence de son coach américain à ses côtés lors des prochains Mondiaux et des JO de Londres, le champion d'Europe du 50m s'est épanché dans les colonnes du quotidien L'Equipe. Le Directeur Technique National Christian Donzé, qui ne manque pourtant pas d'être en contact avec Bousquet ni de fantasmer sur un éventuel retour à la compétition de Manaudou, a clairement indiqué que la Fédération entendait privilégier les entraîneurs français, ce qui implique que Fred sera pris en charge par Romain Barnier, du CNM : "Je suis remonté. Je trouve ça complètement absurde (...) Il n'y a pas d'issue. Je suis bloqué. Je ne vais pas être laissé à l'abandon parce que je sais que Romain sera dans l'équipe et fera plus que son possible pour essayer de combler l'absence. Mais la relation que j'ai avec lui n'est pas la même que celle que j'ai avec Brett", s'est insurgé le sprinteur tricolore.
"Je ne suis pas arrivé à 30 ans pour me faire "chier" vraiment avec des mecs qui n'en valent pas la peine !"
Mardi, il a enfoncé le clou, interrogé par l'AFP : "C'est sûr qu'on va aller au clash et je pourrais arrêter d'être en équipe de France", a-t-il asséné. Une menace qui serait lourde de conséquences en cas de mise à exécution : à moyen terme, refuser de répondre aux convocations de l'équipe de France signifierait renoncer à disputer les championnats du monde, pourtant l'objectif principal du vice-champion du monde du 50m en titre.
D'ordinaire peu adepte du tapage médiatique, Frédérick Bousquet ne peut pas ravaler sa colère face à cet imbroglio : "Je ne suis pas arrivé à 30 ans pour me faire "chier" vraiment avec des mecs qui n'en valent pas la peine. Est-ce qu'Alain (Bernard) aurait été champion olympique à Pékin sans Denis (Auguin) à ses côtés pour le récupérer après le relais et le remettre d'aplomb pour le 100 m ? On ne sait pas. Demandez à l'athlète. Demandez à Laure (Manaudou) par rapport à Philippe (Lucas) à Athènes (en 2004). Je ne suis pas en train de me comparer à eux, ce sont d'énormes champions mais ça fait partie de leur réussite, des ingrédients d'une réussite. J'aimerais bien les avoir ces ingrédients-là à un moment donné."
Le papa de la petite Manon, née de ses amours avec Laure Manaudou et qui fêtera le 2 avril son premier anniversaire, est tellement piqué au vif que c'est... son coach français Romain Barnier qui tente de jouer les pompiers de service : "Par respect pour ses adversaires, qui sont de valeur, je pense qu'il doit d'abord obtenir ses sésames en individuel. Une fois la compétition terminée, c'est-à-dire quand le dernier nageur de l'équipe de France est qualifié, alors on peut parler de ça. C'est quelque chose que Fred a peut-être oublié quand il a utilisé la loupe médiatique pour en parler. Mais je précise qu'il a toujours à coeur de respecter les autres adversaires. Il est en désaccord avec certaines choses en équipe de France et il a utilisé la meilleure arme, celle des médias, pour communiquer avec quelqu'un avec lequel il n'a pas réussi à avoir un dialogue. Car Christian (Donzé, le DTN) est allé aux Etats-Unis pour discuter avec Fred. Ils ont passé 3-4 jours ensemble et manifestement, je ne pense pas qu'à l'arrivée, le dialogue soit passé dans les deux sens (...) Je comprends qu'un athlète souhaite être accompagné par son entraîneur dans une compétition internationale. J'ai été le premier déçu de ne pas pouvoir accompagner mes athlètes aux Jeux Olympiques (de Pékin). C'est une relation importante pour les athlètes, même si ça se résume à seulement 3-4 minutes dans la journée. Je comprends que ce soit compliqué pour la DTN d'intégrer un entraîneur étranger. Il y a une dynamique d'entraîneurs, des réunions, tout le monde parle la même langue. Et je comprends aussi que Fred veuille avoir les meilleures conditions possibles pour réussir. Ce sont des choix compliqués."
L'aspect sportif de la chose sera assumé à partir de demain ; pour ce qui est de la querelle géopolitique, ce pourrait être plus laborieux...
"Laure se rend compte que c'est cool et ça lui plaît. Elle se régale, elle retrouve un peu de sa superbe..."
La colère évidente de Frédérick Bousquet a d'autant plus surpris que le nageur s'était exprimé parallèlement avec beaucoup de douceur à propos de l'évolution des performances de Laure Manaudou, de retour à l'entraînement depuis quelques mois mais dont on ignore toujours les réelles intentions - des velléités de revenir à la compétition au plus haut niveau sont évidemment en question. Après avoir justifié son retour à la natation par un souci très fitness - retrouver la ligne après son accouchement - et par le simple plaisir retrouvé de nager, Laure Manaudou a enclenché la vitesse supérieure depuis un moment. Et même s'il faut compter une année pour penser retrouver une condition et un niveau dignes de la compétition, ses progrès ont suscité des commentaires très enthousiastes de part et d'autre.
Des impressions confirmées par Bousquet : "Brett (Hawke, son entraîneur, qui supervise également le retour à l'eau de Laure, NDLR) s'éclate avec elle. Et Laure se régale avec lui. Elle a de plus en plus le sourire à l'entraînement. Elle me dit : 'Il est enthousiaste, il nous encourage, il communique.' Finalement, elle se rend compte que c'est cool et ça lui plaît. Elle retrouve un peu de sa superbe et de plus en plus de sensations agréables dans l'eau."
Lors d'un stage des nageurs du CNM en Floride en début d'année, les athlètes marseillais ont pu jauger son niveau, puisque Laure Manaudou a suivi "les mêmes séances que Cloé Crédeville (présente aux Mondiaux 2009 et championnats d'Europe 2010) et les Néerlandaises Inge Dekker et Femke Heemskerk". "Dans les séries, elle a le niveau international", constate Romain Barnier, qui la voit faire "plus qu'embêter Cloé" et note seulement un "petit décalage" avec Femke, tandis que Fabien Gilot voit combien elle s'est régalée à "se battre avec les filles" et que le dossiste Camille Lacourt s'extasie de "toujours ce potentiel magique en dos !". L'Equipe relève encore que Laure Manaudou a pu discuter avec son amie Femke le cas de la Néerlandaise Marleen Veldhuis, devenue maman en juin et déjà de retour...
"Elles n'ont pas du tout la même histoire, mais elle se compare à elle", confie Fred Bousquet...