La révélation
Laurent Terzieff est né à Toulouse en 1935, d'une plasticienne et d'un sculpteur russe immigrés en France pendant la Deuxième Guerre mondiale, son vrai nom est Laurent Tchemerzine. Il se passionne très tôt pour la philosophie et la poésie. Il assiste à la représentation de la sonate des Spectres de Strinberg, dirigé par Roger Blin, dont il deviendra le fils spirituel. Un spectacle qui lui donnera l'envie de monter sur les planches, ce qu'il fera dès 1953, dans Tous contre Tous d'Adamov.
Après un rôle à la télévision dans L'affaire Weidmann, il est repéré par Marcel Carné qui le lancera dans Tricheurs en 1958. Ce rôle d'étudiant bohème et cynique le rend célèbre et lui donnera l'opportunité de travailler avec d'immenses réalisateurs.
Les géants du 7e art
Dans les années 60, Laurent Terzieff enchaîne les tournages. On le croise chez Claude Autant-Lara pour Les Régates de San Francisco, Le Bois des amants, Tu ne tueras point. Il succombe à La Luxure de Jacques Demy. Il devient l'un des fidèles de Philippe Garel (père de Louis et cinéaste de la Nouvelle Vague) avec qui il tourne Le révélateur, La voie lactée, Les Hautes solitudes, Un ange passe. Il donne la réplique à Brigitte Bardot dans À coeur joie. Il explore les mystères du catholicisme pour Luis Buñuel dans La Voie Lactée. Se laisse diriger par Henri-Georges Clouzot dans La Prisonnière, un film exceptionnel avec son grand ami Bernard Fresson et Elisabeth Wiener .
En 1969, il interprète le Centaure pour Médée de Pier Palo Pasolini, face à une superbe Maria Callas. Laurent Terzieff devient l'un des chouchous du cinéma italien, immense à cette époque. Il tourne avec Roberto Rossellini (Vanina Vania, 1961), Valerio Zurlini (Désert des tartares, 1976), et bien d'autres...
La scène
Tout en poursuivant une carrière cinématographique (qu'il accepte "alimentairement", Laurent Terzieff ne veut pas être une star de cinéma, sa passion, son sacerdoce, sa religion c'est le théâtre. Ce magnifique comédien, est épris d'absolu, comme acteur, bien sûr, mais aussi en tant que metteur en scène. Dès 1961, il fonde sa troupe et présente La Pensée de Léonide Adreiev. Il met en scène plus de 30 pièces d'auteurs aussi variées que Luigi Pirandello, Bertold Brecht, Claude Mauriac, Pabo Neruda... et se fait un point d'honneur à découvrir de nouveaux auteurs. Acteur d'une sensibilité extrème, au jeu hors mode, il a triomphé dans "Tête d'Or" chez Barrault, et reçu de nombreuses récompenses. Prix Gérard Philippe en 1964, Grand Prix du théatre rn 1984, il remportera plusieurs Molières de la mise en scène : en 1988 pour Ce que voit Fox, en 1993 pour Temps contre Temps et en 2010 pour L'habilleur.
En 2002, il perd Pascale de Boysson, sa compagne et partenaire dans sa troupe de théâtre.
Lors de la dernière cérémonie des Molières, il remporte également le prix du comédien pour L'Habilleur et Philoctète. Laurent Terzieff était arrivé sur scène avec les deux poignets cassés, une chute lors d'une récente séance de gym.
L'hommage
Toujours aussi actif, il a tourné cette année dans le second tome des aventures de Largo Winch. À 75 ans, il donnait la réplique pour la première fois à Sharon Stone. Cet immense acteur, incandescent, au visage émacié était pour Fabrice Luchini "une grande lumière qui a traversé le théâtre. C'était un frère, un pèlerin du théâtre. Il a cultivé comme personne le théâtre de fraternité ", a déclaré l'acteur à l'AFP.
"Il aurait pu être une star. Il a préféré la découverte d'auteurs. Il était d'une beauté absolue, d'un charme irrésistible. C'était un mystique absolu et passionné, un grand Chrétien qui donnait confiance dans les êtres", a encore dit Fabrice Luchini. Ensemble, ils partageaient l'affiche de la pièce Molly de Brian Friel en 2005 au théâtre de la Gaîté-Montparnasse.
Robert Hossein avec qui il partageait des origines russes, lui rend également un hommage appuyé : "Je suis bouleversé. Je l'adorais comme acteur et metteur en scène mais aussi parce qu'il était un être humain admirable, d'une profonde humilité".
A.D.