Sa vie aurait pu être complètement différente... Si Lino Ventura n'avait pas été sévèrement blessé après un combat de catch, il ne serait sûrement pas devenu le monstre sacré du cinéma français qu'on admire aujourd'hui. Un accident s'est produit lors d'un de ses matchs en 1950 et remet tout en jeu. Il lui permettra de s'essayer à un autre défi, le septième art, qu'il relèvera haut la main. Le magazine So Film revient sur cet épisode marquant de la vie d'Angiolino Giuseppe Pasquale Ventura qui nous a quittés en 1987 à 68 ans...
Débarqué d'Italie en France en 1926 pour y rejoindre son père et après avoir enchaîné des métiers de grooms, mécano ou employé de bureau, il se lance dans la lutte gréco-romaine, un exutoire qui lui permet aussi de rencontrer beaucoup de compagnons d'armes. Après la guerre, il souhaite se reconvertir dans la discipline et s'impose en vedette du genre. Il sortira de la plupart de ses matchs vainqueurs grâce à sa prise de la manchette : "C'était un vindicatif, un teigneux. Souvent, ses combats viraient à la grosse bagarre", raconte Claude Brénachot pour le supplément de L'Equipe. Le 31 mars 1950, alors que Lino Ventura a été sacré un mois plus tôt Champion d'Europe de lutte, catégorie poids moyens, l'athlète remet son titre en jeu.
Le combat se déroule au sein du Cirque d'hiver et Lino Ventura affronte Henri Cogan, dit l'Assommoir. Il "enfourche" (soulève et projette au sol) son adversaire. Lino, surpris, n'a pas préparé sa chute. Résultat : une fracture nette de la jambe. Le sportif doit reconsidérer sa vie mais il transforme la déception en chance : "Si Lino n'avait pas eu cette accident, il n'aurait certainement pas eu de carrière au cinéma. Il aurait eu une petite vie banale de lutteur", raconte Bob Plantin, un ancien lutteur qui a côtoyé la star sur les rings. Il lance une affaire de commerce de vêtements pour enfants avec sa femme, Odette, qu'il a épousée en 1942 et avec qui il aura quatre enfants (Mylène, Laurent, Linda et Clélia). L'ancien catcheur continue d'ailleurs de fréquenter la salle d'entraînement comme le confie son ami René Guilleminot : "Il arrivait en boîtant à cause de sa blessure. On sentait qu'il voulait se replonger dans une ambiance qui lui manquait. Il nous donnait du 'môme'. On l'écoutait comme on écoute un vieux lutteur."
Sa rencontre avec le réalisateur Jacques Becker change sa vie. Il le croise dans le garage d'un ami, Colomba, alors qu'il faisait des essais pour la préparation d'un film. Le cinéaste pense à lui pour le rôle d'un truand baptisé Angelo dans le long métrage suivant : Touchez pas au grisbi. Il passe une audition et séduit toute l'équipe et obtient même un cachet de près d'un million de francs, soit presque le montant de celui de son partenaire... Jean Gabin. Le lutteur André Chauveau dira dans un texte relayé par l'association des Anciens lutteurs Professionnels : "Monsieur Jean [Gabin] est ravi, il vient de se trouver un partenaire à sa pointure. Et y s'y connaît, y s'en est farci des baltringues." Son charisme et son autorité naturels font mouche, mais pas question pour lui de prendre le melon et il n'oublie pas ses vieux copains de lutte. Ainsi, Henri Cogan jouera dans Les Tontons Flingueurs. Le long métrage de Georges Lautner, sur une musique tout aussi culte signée Michel Magne, fête les 50 ans de sa sortie et avait attiré plus de 3,3 millions de spectateurs en salles. L'anecdote de So Film clôt à merveille l'article puisque Cogan reçoit pour les besoins du film un crochet de Lino : "En souvenir de ma jambe !" dira-t-il.
Retrouvez l'intégralité de l'article dans le magazine "So Film" du mois de novembre 2013