Marion Bartoli est une joueuse atypique. La Française, neuvième joueuse mondiale, est même prête à renoncer aux Jeux Olympiques... La raison ? Le refus de la Fédération d'accepter son père sur les courts lors des entraînements des matches de la Fed Cup. Marion Bartoli a donc refusé de disputer les deux matches nécessaires pour lui garantir une participation aux Jeux Olympiques de Londres cet été.
Et dans les colonnes de l'Équipe, dans un long entretien donné au quotidien sportif aux côtés de ses... parents, la joueuse a reconnu que ses chances de participer à l'événement étaient faibles, étant incapable se de séparer de son père. "Ce serait le sacrifice ultime, vraiment dommage", répond-elle ainsi lorsque le quotidien lui demande si elle est prête à se sacrifier pour son père.
Une relation fusionnelle
Car Marion Bartoli et son père Walter vivent une relation plus que fusionnelle. Les deux sont inséparables. Du côté de la Suisse et de Genève, où tous les joueurs de tennis français semblent avoir élu domicile, elle explique cette relation qui les unit depuis ses 6 ans et un succès lors d'un petit tournoi en championnat d'Auvergne après trois heures de jeu contre une adversaire plus forte. Une relation que peu de gens peuvent comprendre : "C'est notre relation qui est idéale. Ce qu'on a construit ensemble. On a un lien très spécial, très intense, car on a tout vécu ensemble, tout le temps."
La joueuse, qui a reçu les journalistes de L'Équipe dans un Starbucks, une sorte de sanctuaire universel à travers le monde où elle peut retrouver le même décor, le même café, les mêmes odeurs, où elle "se sent à l'aise, en sécurité", explique ainsi qu'elle déteste être seule. "La solitude, c'est un sentiment d'échec. Je suis indépendante, très indépendante même, mais pas solitaire. Je ne m'isole que quand je ne suis pas bien. Et là, je ne suis pas à prendre avec des pincettes !"
La solitude, le sentiment d'échec, c'est sur le court qu'elle les ressent le plus souvent. Dans ces cas-là, une seule personne peut lui venir en aide, son père. "Plus je regarde mon père entre les points, plus c'est un signe de panique. D'ailleurs, quand il regarde par terre, c'est comme s'il semblait découragé et là, ça m'énerve, me fragilise... J'ai envie de sortir du court ! Parfois, quand il vient me coacher sur le court et qu'il s'en va, j'aimerais le retenir par le bras, le garder auprès de moi." Le lien qui l'unit à ses parents est si particulier que ces derniers ont été promptement virés par elle des tribunes alors qu'elle luttait face à Flavia Pennetta à Wimbledon, au bord de l'épuisement : "Je me suis dit : ou je vais m'écrouler physiquement, ou je trouve une ressource extérieure qui va sortir de je ne sais où... C'est tombé sur eux !"
Un apprentissage difficile
Enfant consciencieuse et appliquée, en compétition avec son frère, de neuf ans son aîné, pour la moindre petite chose, la jeune fille de 27 ans a gardé le même caractère en grandissant. Au point de donner une image d'elle "un peut abrupte", comme le souligne L'Équipe. "Je suis très philosophe. Vous ne pouvez pas agir et paraître pour les autres. Vous serez malheureux sans arrêt car vous ne pourrez jamais contenter tout le monde. Être dans l'apparence, c'est une espèce de schizophrénie." Et Marion Bartoli de s'en prendre à ses adversaires du circuit féminin qui jouent sur leur féminité : "Pour moi, la séduction vient du niveau de jeu que vous pratiquez, de la personnalité que vous montrez sur le court. Pas de la couleur de vos ongles et de savoir si elle s'accorde à la couleur du short sous la jupe (...) Dans la vie, j'aime bien être habillée, élégante, mais il faut faire la différence entre une poupée Barbie et quelqu'un de classe, distingué. Mais peut-être que la poupée Barbie a besoin de ça pour exister et se sentir aimée. Moi, pas." Les filles visées, Caroline Wozniacki (n°1), Maria Sharapova (n°4) ou encore Samantha Stosur (n°6), apprécieront la remarque !
Car oui, Marion Bartoli ne jure que par les résultats. Une culture de la gagne qu'elle développe depuis qu'elle est toute petite, alors que les instances fédérales pensaient qu'elle n'aurait jamais le niveau, accusant un retard physique énorme : "J'avais les résultats d'un enfant de quatre ans de moins que mon âge réel, en termes de force, de vitesse, d'explosivité et de puissance. Les autres lançaient le poids à quinze mètres. Moi, je le lançais à quatre mètres cinquante !"
Mais Marion Bartoli est convaincue qu'elle peut réussir au plus haut niveau, grâce à son père bien évidemment, qu'elle pense capable de trouver une solution. "J'ai une confiance aveugle en mon père", confie-t-elle, avant d'expliquer les conditions qui ont amené ce duo à lutter "contre le monde entier". Une situation pour beaucoup liée à l'endroit où elle a grandi et où elle s'est entraînée, Retournac, en Haute-Loire. Des courts gelés durant 6 mois, le seul court couvert en béton, une toiture trouée créant des plaques de verglas sur celui-ci, sans parler des ivrognes du coin qui venaient jouer aux boules : "Comme ils venaient avec des litrons de rouge, et qu'au bout d'une demi-heure ils étaient saouls, les boules volaient sur le court et faisaient des nids de poule." Sans compter les entraînements après l'école jusqu'à 23h, les centaines de kilomètres avalés pour les tournois... Pour arriver aujourd'hui dans le Top 10 mondial, grâce à son père et son génie créatif.
Un père "intelligent, passionné, têtu, solitaire et généreux en amour" et dont la relation avec Marion Bartoli se base sur le respect. "On se soutient mutuellement. Avant de parler, je sens déjà ce dont il a besoin. D'un regard, je sens déjà ce dont il a besoin. D'un regard, je sais si mon père va bien ou pas", poursuit-elle. Alors pour rien au monde la joueuse ne pourrait se séparer de son père. Et tant pis si son plus grand rêve doit être sacrifié...
Un entretien à retrouver en intégralité dans l'Équipe du 2 janvier 2012