Alors que le royaume de Norvège entame seulement un deuil terrible, après un week-end d'effroi et de larmes, Anders Behring Breivik, auteur présumé du double attentat qui a causé, vendredi 22 juillet, la mort de 93 Norvégiens, doit comparaître ce lundi devant la justice du pays pour "s'expliquer" et subir une expertise psychiatrique.
L'homme de 32 ans a revendiqué les attaques du 22 juillet 2011 dans Oslo et sur l'île d'Utoya, qu'il a qualifiées de "cruelles" mais "nécessaires", niant par ailleurs "toute responsabilité criminelle". Se faisant passer pour un policier et posant en uniforme lors d'un rassemblement de jeunes du Parti travailliste norvégien sur l'île d'Utoya, Anders Behring Breivik, fondamentaliste chrétien déçu par la droite populiste nationale (le Parti du Progrès, dont il fut membre jusqu'à sa résiliation en 2006) et entré en croisade personnelle contre l'islamisation, avait ouvert le feu - utilisant des balles Dum-Dum, extrêmement létales, qui se fragmentent à l'intérieur du corps - sur la foule des adolescents, massacrant plus de 80 d'entre eux et en blessant des dizaines d'autres. Deux heures plus tôt, une attaque à la bombe en plein coeur d'Oslo, à proximité du siège du gouvernement, avait causé la mort de onze personnes. Le quotidien national croit savoir qu'il projetait de faire sauter "deux autres bâtiments centraux de la capitale, en plus des ministères". Des attentats à la bombe qu'il a pu fomenter sans éveiller les soupçons en se faisant livrer des tonnes de fertilisants (utiles à la conception des bombes) dans une petite exploitation agricole acquise à dessein en début d'année.
Quelques heures avant l'explosion dans la capitale scandinave, l'individu avait posté une vidéo baptisée Templiers 2083 sur la plate-forme YouTube, dans laquelle il apparaissait dans plusieurs tenues (uniforme, combinaison de plongeur) armé d'une carabine semi-automatique Ruger Mini-14 (arme à feu notamment associée au conflit nord-irlandais), en écho à un manifeste de 1 516 pages, publié sous le pseudonyme Andrew Berwick et sous le titre 2083 - Une déclaration d'indépendance européenne, e-book étayant entre autres son rejet de l'islam, du multiculturalisme et du marxisme ("la colonisation islamique et l'islamisation de l'Europe occidentale","la montée d'un multiculturalisme/marxisme culturel"), et détaillant la préparation de ses attaques ("Une fois que vous décidez de frapper, il vaut mieux tuer trop que pas assez, ou vous risquez de réduire l'impact idéologique désiré de cette frappe").
Dimanche 24 juillet, la cathédrale d'Oslo a abrité une messe à la mémoire des victimes de cette double attaque sanglante, à laquelle a évidemment pris part la famille royale. Le roi Harald V et la reine Sonja sont apparus terriblement meurtris par ce drame, qui touche de près leur belle-fille la princesse Mette-Marit, épouse du prince héritier Haakon : parmi les victimes de l'île d'Utoya figurait, selon une annonce faite lundi par le palais royal, son demi-frère, Trond Berntsen, ex-agent de police qui travaillait sur les lieux en tant qu'agent de sécurité et fils du beau-père de la princesse, lui-même décédé en 2008. La veille, samedi 23, le couple royal ainsi que le prince héritier Haakon et le Premier ministre Jens Stoltenberg s'étaient déplacés sur les lieux de la tragédie pour apporter leur soutien aux survivants et présenter leurs condoléances - le roi Harald a notamment fait une allocution - aux familles des victimes. Dans l'après-midi de samedi, ils s'étaient déjà rendus en la cathédrale d'Oslo et y avaient allumé des cierges à la mémoire des défunts, avant d'y revenir dimanche matin, accompagnés également par la princesse Martha-Louise et son époux Ari Behn, pour un service dédié.
Au lendemain de cette messe funèbre et poignante, et tandis que les fleurs s'amoncellent dans Oslo, la journée de lundi devait rendre de nouveaux hommages bouleversés aux défunts, ainsi qu'une minute de silence nationale.
Et pendant que les sujets du royaume sont à leur deuil, un juge doit décider du placement du suspect en détention provisoire (de quatre semaines - renouvelables - au maximum, en théorie, mais la police en aurait réclamé huit, exceptionnellement) au terme d'une première audience, que le prévenu a souhaitée publique et pour laquelle il a demandé à comparaître en uniforme.