C'est certainement le plus beau prix que Mathieu Kassovitz pouvait espérer après avoir traversé un tournage difficile et une censure en Nouvelle-Calédonie : présenté au festival de Sarlat, L'Ordre et la morale a été récompensé par le prix du public, le prix du jury jeune et le prix des lycéens. La preuve que si les politiques réagissent très mal avant même d'avoir vu le film, les spectateurs sont plus ouverts et devraient lui réserver un bel accueil ce mercredi dans les salles.
Lors de la remise des prix, le réalisateur et acteur a de nouveau expliqué à quel point la controverse qui entoure son film est surprenante : "On a fabriqué une image globale qu'on a vraiment étayée de toutes les informations possibles pour être sûrs de ne pas raconter de bêtises. Cela permettra d'avoir une base de départ pour discuter, d'où l'intérêt de ne pas faire un film controversé."
Pour ce qui est de la décision du seul exploitant de Nouvelle-Calédonie de ne plus diffuser un film "polémique et caricatural", Kassovitz répond : "C'est comme ne pas passer les Ch'tis dans le Nord, c'est absurde. C'est inadmissible qu'un Calcoche (population blanche installée en Nouvelle-Calédonie) dise à des Kanaks (population locale) qui ont travaillé pendant dix ans sur un projet qu'ils ne sont pas assez adultes et intelligents pour regarder et apprécier leur propre travail, sur leur propre histoire et sur leur propre territoire. L'exploitant a reçu des pressions politiques qui viennent de l'UMP directement. Je continue à me battre pour que le film soit diffusé là-bas." Le producteur a précisé qu'il devrait parvenir à offrir trois copies de L'Ordre et la morale en Nouvelle-Calédonie.
Il en profite pour répondre à Bernard Pons - Ministre des Départements et Territoires d'Outre-Mer à l'époque des faits - et tous ceux qui l'attaquent : "Je lui demande juste d'aller voir le film avant d'en parler. Quand on a préparé le film, on a contacté ces personnes qui ne nous ont pas répondu. Là où on a besoin de leur intelligence et de leur éthique, s'ils en ont encore, c'est pour reconnaître que l'Histoire, avec un grand H, que l'affaire d'État est vraie et n'est pas du tout biaisée."
Interviewé par Nikos sur Europe 1, Mathieu Kassovitz a aussi expliqué que "la discussion n'a pas été possible avec les autorités françaises, au contraire des Kanaks, qui refusaient pourtant au début". Il ajoute que malgré les difficultés qu'il a rencontrées pendant les "10 ans à convaincre que le film pourrait servir le pays", le tournage a surtout été enrichissant, et qu'il est parvenu à son but lors d'une projection organisée en Nouvelle-Calédonie : "Les Kanaks et les familles des gendarmes victimes se sont vus il y a quelques jours, et ils ont pu enfin se réconcilier. C'était un moment important et le film a été fait pour ça."
Au milieu du raz-de-marée des Intouchables, espérons que L'Ordre et la morale trouvera sa place dans le coeur du public.