Réactualisation : Mathias Waneux, élu indépendantiste de la province des îles Loyauté et acteur dans le film, a également défendu Mathieu Kassovitz face aux accusations de polémique : "On n'a pas demandé de retour d'argent pour ce film. Ce qui importe pour nous c'est le récit de l'histoire à la lueur de ce que les gens d'Ouvéa ont vécu. On trouvera de toute façon d'autres créneaux pour diffuser le film, en attendant, tout cela lui fait beaucoup de publicité." Il ajoute que le haut-commissaire de la République et les responsables de la gendarmerie à qui il a montré le film ont eu une "réaction positive".
Le 22 octobre 2011 : Difficile d'imaginer que derrière la jolie gueule d'ange de Mathieu Kassovitz se cache un artiste si passionné et enragé. Chaque fois qu'il est confronté à une injustice, il ne se gêne pas pour la partager avec les médias. Il n'avait par exemple pas hésité à descendre son propre film Babylon A.D. en accusant le studio et Vin Diesel d'avoir court-circuité ses ambitions.
Son septième film derrière la caméra, L'Ordre et la morale, provoque encore plus de réactions parce qu'il s'attaque au sujet épineux de la prise d'otage de gendarmes sur l'île d'Ouvéa en Nouvelle-Calédonie en avril 1988, pendant la campagne présidentielle entre François Mitterrand et Jacques Chirac. Après une négociation avortée, l'assaut donné par l'armée avait fait deux morts chez les militaires et 19 parmi les Kanaks. Le scénario est tiré du livre La Morale et l'action de Philippe Legorjus, alors capitaine des gendarmes d'élite.
Pour respecter la volonté des Calédoniens, Kassovitz avait décidé de tourner en Polynésie. Il avait alors provoqué la colère du député UMP et président de l'Assemblée de la Province sud de Nouvelle-Calédonie, Pierre Frogier. Mathieu Kassovitz avait également confié sa déception suite au festival de Cannes 2011 où son film devait être projeté.
Aujourd'hui, le seul exploitant de Nouvelle-Calédonie, Hickson, annonce qu'il ne diffusera pas L'Ordre et la morale, quelques semaines avant sa sortie le 16 novembre. Son directeur, Douglas Hickson, explique sa décision par la nature du film "très caricatural, qui rouvre des plaies qui s'étaient cicatrisées. Nous sommes une entreprise de divertissement, alors que ce film est un film polémique. Nos salles ne sont pas le lieu approprié pour le présenter."
Naturellement choqué par cette décision, Mathieu Kassovitz répond : "Nous ne comprenons pas une telle décision qui remet en cause la diffusion du film au sein de la population calédonienne dans son ensemble. Le film n'a pas été fait dans un objectif polémique. On s'est battu dix ans pour faire ce film, personne n'a réussi à nous empêcher et tout à coup le dernier maillon de cette chaîne cède, c'est impossible... Ce serait très fort s'ils arrivaient à censurer un film au dernier moment."
Macky Wéa, originaire d'Ouvéa et acteur dans le film, estime qu'il s'agit bien de censure : "Les cinémas Hickson ont le monopole et je m'y attendais. Il y a eu des pressions politiques, bien évidemment. On organisera des projections ailleurs, dans les mairies. Il y a déjà eu des projections avec des gens de bords différents et à 99 %, le film a été perçu positivement."Kassovitz et la production Nord-Ouest Films ajoutent que cette peur d'une soit-disant polémique n'a pas lieu d'être : "Le film a été montré à de nombreux officiels kanaks et caldoches, à de nombreuses personnalités politiques et coutumières locales, à des militaires, des gendarmes, aux familles des victimes. Tous reconnaissent le rôle que le film pourrait au contraire jouer dans le dialogue et le consensus entre les parties vers la réconciliation. Nous pensons que ce film est utile et contribuera au devoir de mémoire."
Sur internet, des flopées de commentaires se soulèvent déjà. En France, L'Ordre et la morale sortira bel et bien le 16 novembre 2011. D'ici là, il devrait encore faire parler de lui.