En 1994, le grand public découvre l'existence de Mazarine, la fille cachée de François Mitterrand et d'Anne Pingeot. Elle n'a alors que 20 ans. Après des études brillantes - Ecole normale supérieure et agrégation de philosophie –, Mazarine Pingeot enseigne, écrit et devient chroniqueuse littéraire pour la télévision. Il faut attendre 2005 et son roman Bouche Cousue pour qu'elle s'exprime enfin sur son père. Le livre est un immense succès et s'écoule à 300 000 exemplaires. Cette rentrée, Mazarine Pingeot publie Bon Petit Soldat, toujours sur son père. Un livre dont la dernière campagne présidentielle a déclenché l'écriture, comme la grossesse - elle a trois enfants avec le réalisateur Mohamed Ulad-Mohand - avait déclenché celle de Bouche Cousue. L'auteure confie dans L'Express en quoi la victoire de François Hollande a pu réparer certaines de ses blessures. "Je serais toujours la fille de mon père, je lui ressemblerai toujours, mais cela n'est plus un problème", confie la femme de 37 ans.
Honteux trésor
Le bon petit soldat du titre, c'est celui qu'était Mazarine Pingeot pour protéger le secret de ses parents : "Tu associes inconsciemment le fait de devoir te taire et te cacher à quelque chose de honteux. Car que cache-t-on ? Soit un trésor, soit quelque chose de honteux. Moi, j'avais le double statut... Pas facile de devenir soi-même dans ces conditions (...) Pour protéger les parents, tu fais tout pour ne pas déranger, tu es un bon petit soldat." Mazarine Pingeot raconte cette adolescence dans ce grand appartement : "Un sinistre appartement de fonction, un endroit protégé, totalement neutre, un refuge et un abri, ce qui est aussi une forme de prison." Et la solitude qui en découle, forcément. Elle n'avait d'autre choix que se taire ou se révolter : "Une bonne révolte adolescente aurait été, dans mon cas, un coup d'Etat", résume l'auteure. Impossible donc.
Réparation à l'Elysée
En 1994, des photos volées lèvent le secret. Scandale. Violence d'une seconde mise au monde. En 2012, la victoire de François Hollande lui permet de s'approprier des souvenirs qu'on lui avait interdits. Mazarine Pingeot parle de réparation : "L'un des moments les plus forts a incontestablement été la fête de la Bastille. Pour tout le monde, la Bastille, c'est 1981. Sauf pour moi, ma mère n'avait pas voulu que j'y sois (...) Aller à la Bastille en 2012, c'était vivre cet événement dont j'avais été dépossédée, c'était réintégrer mon histoire et l'histoire collective. C'était presque aussi émouvant que l'investiture de François Hollande à l'Elysée." Là encore, un moment important pour Mazarine : "Arriver officiellement, simplement, le jour de son investiture, en portant mon nom, mon prénom, dans ce lieu qui n'était pas que l'Elysée, qui était le bureau de papa, le lieu interdit, le lieu du rejet, m'a apaisée."
Mazarine Pingeot décrit Bouche Cousue comme un coming out. Jeudi sort ce Bon Petit Soldat, mais elle pourrait encore se pencher sur le secret sur lequel elle s'est construite : "En fait, ce livre, je pourrais l'écrire tout ma vie ; selon la période il y a toujours un point de vue différent (...) C'est l'histoire d'une vie, une interrogation infinie et qui bouge."
L'intégralité de cette interview de Mazarine Pingeot est à lire dans "L'Express", en kiosques le 17 octobre.
"Bon Petit Soldat" de Mazarine Pingeot, chez Julliard le 18 octobre, 216 pages, 19 euros.