Longtemps, Mazarine Pingeot a vécu dans le secret. Jusqu'à cette photo publiée dans Paris Match en 1994, elle a 19 ans, son père François Mitterrand, 78 ans. La France entière découvre l'enfant naturelle du président de la République qu'il a eue avec Anne Pingeot, historienne de l'art, spécialiste de la sculpture du XIXe siècle, conservatrice au musée du Louvre puis au musée d'Orsay. Dans ce même Paris Match, mais trente ans plus tard, celle qui est aujourd'hui une écrivaine acclamée revient sur son passé et son enfance à nulle autre pareille. Car comment vit-on quand on est la fille adultérine d'un président en fonction ?
Ce passé, Mazarine Pingeot le retranscrit dans son dernier livre, 11, quai Branly, qui paraît aux éditions Flammarion le 16 octobre et sur lequel elle appose à son nom un M., celui de Mitterrand qui fait désormais partie de son patronyme. "La mère et la fille s'installent, en 1983, dans l'appartement du VIIe arrondissement de Paris. Leur existence n'est pas connue du grand public", écrit le magazine Paris Match. Un appartement de fonction situé dans le prestigieux palais de l'Alma dans lequel elle a eu une vie qui pourrait sembler normale : "Petits déjeuners avec la mère ; école ; matchs de foot à la télévision où le père hurle à chaque but marqué ; parents aimants." Car François Mitterrand a bien reconnu être le père de Mazarine Pingeot en 1984 et est présent pour cette enfant de l'amour caché à qui il rend visite les soirs en quittant dans la nuit son épouse officielle Danièle Mitterrand.
Dans ces lieux, sorte de caserne de luxe en vase clos, les logements étant décernés librement par le président, François Mitterrand y a alors logé Anne Pingeot et leur fille Mazarine dans un 300 m² pendant sa présidence, un endroit de surcroît sécurisé. Libération avait enquêté sur l'Alma : "Dessiné par l'architecte Grand Prix de Rome Jacques-Martin Tétaz en 1861, le bâtiment composé de deux carrés collés à un long rectangle a été pensé comme un mélange d'écuries, de bureaux et d'appartements de fonction. De l'extérieur, l'ensemble est massif et uniforme, mais une fois à l'intérieur, ce qui frappe, c'est le mélange des logements et la vétusté ambiante selon un ancien locataire, époque Hollande. Les parties rénovées sont confortables mais pas luxueuses, ajoutera un collaborateur de Nicolas Sarkozy."
L'appartement de Mazarine et Anne Pingeot avait un statut particulier. Il se trouve autour de la cour d'honneur et décoré par le Mobilier national. "Ce sont les logements d'apparat, où 'Zaza', le surnom de Mazarine Pingeot, a grandi pendant près de douze ans, sous la surveillance de François de Grossouvre, ami et confident de Mitterrand logé à l'étage au-dessus", précise Libération.
Cependant, la période de l'adolescence est compliquée pour Mazarine Pingeot qui se sent enfermée dans cet appartement. La docteure en philosophie décrit ainsi son ressenti dans Paris Match : "Je n'ai pas habité quai Branly et pourtant j'y ai vécu. Je me suis effacée au point de devenir invisible à moi-même." Ses racines seront alors chez mes grands-parents en Auvergne et dans les Landes. La dépression pointe dans la vie de la jeune Mazarine Pingeot et elle a ainsi décidé de quitter l'"Alma". Sans déniger ses parents qu'elle adore, l'intellectuelle dit clairement : "Je suis partie parce que j'avais l'impression que j'allais crever."
Une époque marquante mais lointaine désormais pour celle qui est chroniqueuse sur des sujets culturels et administratrice de l'institut François-Mitterrand. Mariée à Didier Le Bret, elle est mère de trois enfants nés de son union passée avec le réalisateur et producteur Mohamed Ulad-Mohand.