Mardi 7 janvier 2014, aux National Board of Review Awards 2014 à New York, Meryl Streep rend hommage à son amie Emma Thompson, récompensée pour sa performance dans le biopic ode à Disney, Dans l'ombre de Mary. Dans son discours long de 9 minutes, après avoir encensé "une sainte" et une "actrice magnifique" pour qualifier celle qui incarne l'auteure de Mary Poppins dans ce film porté sur la difficile adaptation du chef-d'oeuvre littéraire à l'écran, Meryl Streep va s'attaquer sans fard au géant Walt Disney. L'homme, et non la société.
Qualifiant le géant fondateur des studios Disney de "bigot sexiste" et l'accusant d'avoir soutenu "un lobby professionnel antisémite", la toujours très discrète et multi-primée Meryl Streep tape un grand coup dans la fourmilière en prenant le contre-pied du film Dans l'ombre de Mary, où Walt Disney est vu comme un industriel passionné et paternaliste.
"Quelle femme stupide !"
"Je me suis dit, waouh, elle n'aurait pas dû faire ça", commente un consultant spécialisé dans les récompenses, après le mots durs de Meryl Streep. Les réactions ne tarderont pas, et beaucoup pointent du doigt Meryl Streep et ses propos. "Quelle femme stupide ! Comment, bon dieu, peut-elle dire ça ? S'en prendre à un homme mort qu'elle n'a jamais connu", s'étrangle un membre de l'Académie. Ce à quoi répond la liberté d'expression doublée du statut particulier de Meryl Streep, très appréciée des grandes messes d'awards : "C'est Meryl Streep, elle peut dire ce qu'elle veut".
Pour des experts Disney, la sortie polémique de Meryl Streep est une grosse saillie gratuite. Un spécialiste de l'animation tempère, en affirmant que quelque part, l'actrice d'Un été à Osage County n'avait pas complètement tort : "La société Disney a tout fait, avec l'encouragement de la succession, pour aider à stimuler la marque Disney en montrant que Walt Disney était en fait une personne bien réelle, et pas seulement un logo qui signifie fadeur industrialisée et acclamation. Être une vraie personne, c'est être imparfait, et Meryl Streep nous a rappelé à quel point cet imparfait Walt Disney était un être humain", rapporte The Hollywood Reporter.
Pour d'autres spécialistes Disney, Meryl Streep n'a pas été très juste avec celui qui a remporté 26 victoires dans sa carrière. Sexiste ? Pas vraiment, notamment si on en compte qu'en 1942, Retta Scott devient la première femme animatrice pour le film culte Bambi. "Il y avait, cependant, un nombre de femmes qui travaillait [à Disney] dans la création à cette époque [1938, si on s'en réfère la lettre qu'a lu Meryl Streep dans son discours, NDLR], principalement dans le secteur script", assure un expert. Dans la lettre écrit par Walt Disney et lue par Meryl Streep, on peut y lire : "Les femmes ne participent pas au travail créatif en lien avec la préparation des cartoons pour le cinéma, puisque cette tâche est entièrement réalisée par de jeunes hommes".
Meryl Streep inquiétée pour les Oscars ?
Pour ces experts, aucune preuve tangible ne permet d'affirmer que Walt Disney était un antisémite, d'autant qu'il travaillait en étroite collaboration avec le chef des produits dérivés, Herman "Kay" Kamen, juif en l'état. Si on ne nie par les accointances de la société de Walt Disney avec l'antisémite et surtout anti-communiste MPA (Motion Picture Alliance), Walt Disney a néanmoins offert l'Orphelinat hébreux à la ville de New York ou encore le Yeshiva College. La partie de ping-pong pourrait donc durer encore longtemps...
La charge de Meryl Streep pourrait-elleavoir une influence sur la campagne menée par Un été à Osage County ? Boudée aux BAFTA à la découverte des nominations, restée en course et favorite aux Golden Globes ce dimanche 12 janvier face à Amy Adams, Meryl Streep ne devrait pas voir une éventuelle nomination aux Oscars (l'Académie est proche de Disney qui possède le diffuseur de la cérémonie, ABC, sans pour autant influer ouvertement) remise en cause. Les ballots des votants devaient être rendus avant le 8 janvier, date de clôture en vue des nominations qui seront officialisées le 16 janvier.