Façade néo égyptienne, architecture style antique des années 1920... Le Louxor à Paris est un écrin parfait pour la projection de la nouvelle oeuvre de Jeff Nichols, Midnight spécial, en présence du metteur en scène ce 16 février. Le long métrage de celui à qui l'on doit Take Shelter et Mud est très attendu et les critiques après sa projection à Berlin sont diverses et variées. Les spectateurs sont à la fois conquis par le talent du jeune cinéaste (37 ans) mais s'interrogent aussi sur son nouvel objet cinématographique.
Quand les lumières se rallument à la fin de la projection, le réalisateur arrive pour une session de question et réponses avec le public, menée par le journaliste Philippe Rouyer. Une rencontre bienvenue pour mieux comprendre la démarche de cet auteur qui s'est tenté à mélanger les genres, - thriller, science fiction et drame psychologique -, tout en gardant l'âme qui fait la beauté de son cinéma.
Décrit comme un cinéaste de l'Amérique profonde, Jeff Nichols avait comme point de départ deux hommes qui foncent dans une voiture, le type de films de drive in. Après la naissance de son fils, il a décidé d'aborder la relation parent-enfant. Take Shelter a été écrit par un homme qui va être père. Midnight spécial est fait par un père.
Être parent signifie aussi avoir peur pour son enfant : "Notre réaction à cette peur est d'essayer de tout contrôler, une réaction négative. Je voulais essayer de comprendre qui est mon enfant. Un parent doit avoir la foi, pas au sens religieux, mais croire en la personne en devenir. C'est quelque chose d'assez pur."
Le public est intelligent
Midnight Special est un long métrage qui ne donne pas toutes les clefs au spectateur et le réalisateur l'assume : "Avec ce film, je voulais repousser les limites de l'explication et de l'exposition. C'est un jeu dangereux. Ce film pourra être difficile à comprendre, c'est ce que j'essaie de faire dans mes films. Pour moi, le public est intelligent. Le spectateur doit chercher ce que sont les personnages."
Ce long métrage est ambitieux et est habité par une volonté précise : "Je ne voulais pas un blockbuster mais un thriller original. Je ne voulais pas quelque chose qui ressemble à un autre film, pas un prequel ou une suite."
Le film, unique, n'évite pas toutefois les références comme Terminator : "Je suis un enfant des année 1980. Je ne faisais pas la différence entre film indépendant et blockbuster." On lui parle souvent de Terrence Malick comme source d'inspiration et il rétorque alors ne pas connaître si bien son cinéma mais partager en tout cas avec lui est sa vision de la nature dans ses films : "La seule façon de communiquer avec le monde, c'est avec la nature."
Midnight Special s'inscrit dans l'époque actuelle, à quelque chose près : un certain recul avec la technologie : "Je déteste les portables. Je n'en voulais pas dans mon film. Le personnage de la NSA (incarné par Adam Driver) est au top de la technologie. Mais il écrit sur un bloc papier."
Pour le casting, Jeff Nichols s'est entouré de Michael Shannon, sans surprise, qui le rend, dixit Nichols, un meilleur réalisateur. Pour le choix du petit garçon, la situation a été très différente de Mud : "Jaeden Lieberher a déjà beaucoup tourné. D'habitude, je fais pas appel à des enfants-acteurs car ils sont programmés. Mais Jaeden n'était pas comme eux. Il avait l'air très conscient de sa place. C'était ce dont j'avais besoin. Et il était assez léger pour être porté. (rires)" Son propre fils est venu sur le plateau : "Je voulais lui montrer que j'étais un papa cool et je lui ai montré l'hélicoptère qui décolle et arrive jusqu'à lui. Mais il ne s'intéressait qu'à un insecte par terre..."
Des rumeurs voulaient qu'on ait proposé à Jeff Nichols de réaliser Aquaman. Il sourit et répond : "J'ai bossé avec la Warner et comme elle travaillait sur des comics, on a proposé à tous les réalisteurs du coin de faire un film de comics. J'étais flatté mais c'est tout." Jeff Nichols préfère se consacrer à ses projets originaux, à nulle autre pareil.
Midnight Special, en salles le 16 mars