Il fut l'un des plus grands cinéastes contemporains. Abbas Kiarostami, 76 ans, est mort, a-t-on appris lundi soir. Le cinéaste iranien est décédé en France, où il était venu faire soigner un cancer qui avait été révélé en février dernier.
Le réalisateur avait largement marqué le septième art avec de nombreux films tels que Shirin, Close up ou encore le récent Copie conforme avec Juliette Binoche. Mais il avait surtout remporté la Palme d'or du Festival de Cannes en 1997 pour Le Goût de la cerise sur une décision du jury présidé par Isabelle Adjani. Il avait alors scandalisé les autorités iraniennes pour s'être laissé embrasser par une femme en public, Catherine Deneuve, qui lui avait remis la Palme d'or.
Né à Téhéran en 1940 dans une famille modeste, devenu l'un des cinéastes les plus en vue du cinéma iranien dans les années 1960, il a remporté des prix dans les plus grands festivals mondiaux qui lui ont apporté une notoriété allant de l'Europe aux États-Unis en passant par le Japon. En 1999, avec Le vent nous emportera, sur la dignité dans le travail et l'égalité hommes-femmes, il remporte le Lion d'argent à la Mostra de Venise. Cinéaste sociologue, toujours très près de ses sujets, il disait vouloir utiliser le cinéma pour "faire naître du lien entre les gens" et a largement marqué le cinéma mondial, en plus d'avoir largement influencé celui de son pays natal – où il sera d'ailleurs enterré selon l'agence officielle iranienne IRNA. "Abbas n'est pas seulement le plus grand cinéaste iranien, le Rossellini de Téhéran, le chercheur qui trouve, c'était aussi un photographe inspiré. Il était l'art même", a déclaré l'ancien président du festival de Cannes, Gilles Jacob.
Ce n'était pas seulement un cinéaste
Un hommage qui en cachait bien d'autre. "Il fait partie de ces très rares cinéastes où il y a eu un avant et un après pour le cinéma", a estimé Frédéric Bonnaud, directeur de la Cinémathèque française, alors qu'Audrey Azoulay, ministre de la Culture, a salué "un artiste libre, épris de vérité".
Chez ses compatriotes, la tristesse est d'autant plus grande. "Sans lui, je n'aurais jamais pu faire Persepolis", a confié la dessinatrice et réalisatrice la Franco-Iranienne Marjane Satrapi, qui éprouve "une très grande tristesse". "En Europe on avait vu ses films, donc on ne voyait plus les Iraniens comme un peuple de terroristes, mais comme des êtres humains. Il a ouvert la voie à toute une génération d'artistes iraniens. Nous lui sommes tous redevables", a-t-elle dit à l'AFP. Le réalisateur Asghar Farhadi a dit au quotidien britannique The Guardian qu'il était "en état de choc". "Ce n'était pas seulement un cinéaste. C'était un mystique moderne, tant dans son oeuvre que dans sa vie privée", a confié le cinéaste récemment doublement primé à Cannes pour Le Client. "À lui seul, il a changé l'image de l'Iran", a tweeté l'actrice iranienne Golshifteh Farahani.
"Il était l'un de ces rares artistes avec une connaissance spéciale du monde, à mettre des mots sur ce que disait le grand Jean Renoir : 'La réalité est toujours magique.' Pour moi, cette déclaration résume l'extraordinaire travail de Kiarostami. (...) J'ai appris à mieux connaître Abbas ces dix-quinze dernières années. C'était un être très spécial : calme, élégant, modeste, précis et très observateur. C'était un vrai gentleman et, assurément, l'un de nos plus grands artistes", résume Martin Scorsese à The Hollywood Reporter.