C'est une histoire digne d'un polar qui agite Monaco... Presque deux mois après le guet-apens dont a été victime la richissime femme d'affaires Hélène Pastor, tuée par balles avec son chauffeur devant un hôpital de Nice, plus de 20 personnes viennent d'être interpellées dans le cadre de l'enquête. Un coup de filet dans lequel on retrouve Sylvia Pastor, la fille de victime, et son gendre Wojciech Janowski, soupçonné d'être le commanditaire du meurtre. Une thèse qui prend un peu plus de poids avec les éléments révélés par le procureur de la République de Marseille...
Des liens entre le gendre et des intermédiaires ?
Au cours d'une conférence de presse à 15h, le procureur Brice Robin a en effet expliqué que des "flux financiers suspects" avaient été "repérés" sur les comptes bancaires du consul honoraire de Pologne à Monaco. "Cela mérite des explications (...) Des liens sont apparus avec deux individus que je peux qualifier d'intermédiaires en relation directe avec les deux suspects", a-t-il précisé, ajoutant toutefois qu'il n'y avait "aucune relation directe" entre le natif de Varsovie, au casier judiciaire vierge, et les deux suspects et qu'il était "trop tôt" pour en faire le commanditaire.
Concernant Sylvia Pastor (53 ans), sur laquelle les soupçons sont moindres, le procureur de la République de Marseille a également tenu à préciser le motif de son interpellation. "C'est uniquement pour les nécessités de l'enquête", a assuré Brice Robin qui doit tenir une autre conférence de presse vendredi. "Il n'y a pas de mobile prédéfini", a-t-il ajouté. L'argent semble toutefois le mobile principal puisqu'Hélène Pastor, à la tête d'un empire immobilier, versait 500.000 euros par mois à ses enfants. Avait-elle arrêté de verser cette somme ? "Nous n'avons aucune preuve de l'arrêt de ces versements", a commenté le procureur de Marseille, alors que la victime avait affirmé ignorer les raisons de l'attaque avant de succomber à ses blessures.
De l'ADN sur un gel douche
Le procureur en a également dit plus sur l'identification des deux suspects présents sur les lieux. Il peut ainsi être "assez affirmatif" grâce aux images de vidéosurveillances de Nice à Marseille où ils se sont rendus après le crime et pendant le trajet aller. "Les images des caméras la vidéosurveillance des gares de Marseille et de Nice mais aussi de l'hôpital de Nice ont permis de retracer les parcours des suspects. Ils ont agi à visage découvert. Les deux suspects sont montés dans le train, le 6 mai, à la gare Saint Charles à 13 h 07, puis ont été vus dans le tunnel de la gare de Nice à 15h39" a expliqué le procureur. "Ils se sont rendus séparément sur les lieux des faits", a-t-il ajouté.
C'est également grâce à une étude des relevés téléphoniques qu'ils ont été repérés. Selon Nice-Matin, les deux suspects se nomment ainsi Alhair Hamadi (31 ans), un Marseillais d'origine comorienne et déjà condamné pour violences, et Samine Said Ahmed (24 ans), né aux Comores et lui aussi déjà condamné. Ce dernier a aussi été repéré grâce à l'ADN qu'il a laissé sur un gel douche de son hôtel à Nice. 10 000 € en coupures de 100 et de 200 euros ont par ailleurs été retrouvés dans un sac de sport identique à celui utilisé lors du meurtre.
"Nous ne sommes pas encore sûrs de qui des deux est le tireur", a précisé le procureur qui a ajouté que quatorze arrestations ont eu lieu à Marseille, cinq à Nice et quatre à Rennes. Un gendarme auxiliaire de la compagnie de Lançon qui aurait fourni l'arme du crime ou des téléphones compte également parmi les personnes interpellées. Selon lui, les suspects auraient effectué un travail "moyennement professionnel", laissant de nombreuses traces.
"La famille n'est pas dans le coup"
Au cours de la garde à vue, qui peut durer jusqu'à 96 heures, Wojciech Janowski va désormais devoir répondre aux interrogations sur ces flux suspects. Si sa proximité avec la victime peut aussi susciter des soupçons, son profil est loin d'être sulfureux. Des études brillantes, la direction d'hôtels et de casinos, des actions caritatives et même une promotion en tant qu'officier de l'Ordre national du mérite de la République par Nicolas Sarkozy en 2010... Le Consul honoraire de Pologne à Monaco depuis 2007 est une personnalité discrète et respectée sur la principauté. Wojciech Janowski vit avec Sylvia Pastor-Ratkowski à Monaco dans l'un des appartements que possédait Hélène Pastor, ils ont eu deux enfants. La famille Pastor est également très proche du Prince Albert II qui avait d'ailleurs assisté aux obsèques d'Hélène Pastor qui ont eu lieu dans la plus stricte intimité le 28 mai. Wojciech Janowski est très investi dans la lutte contre l'autisme avec Monaa (Monaco Against Autism), l'association qu'il a créée avec Emmanuel Falco, le conseiller privé du prince Albert II, fils du sénateur-maire de Toulon Hubert Falco. La princesse Charlene est d'ailleurs la présidente d'honneur de son association.
Du côté des proches, on s'étonne que la famille soit impliquée dans le drame. Claudia Albuquerque, photographe américaine résidente de Monaco, s'est ainsi déclarée "persuadée que la famille n'était pas dans le coup" à l'AFP. Il ne peut s'agir que d'un "coup extérieur" selon elle car Sylvia était très "proche de sa mère". À 53 ans, Sylvia travaillait en effet avec sa mère pour gérer les biens de la famille - elle est très proche de son demi-frère cadet Gildo - et avait récemment dû lutter contre un cancer du sein, selon Nice-Matin. Rien, pas même la moindre petite tension entre elles, ne pourrait expliquer l'implication supposée de la fille dans la disparition de sa mère.
Un véritable guet-apens...
Le meurtre s'est produit le 6 mai dernier devant l'hôpital L'Archet de Nice. Alors qu'Hélène Pastor s'engouffre dans sa voiture après avoir rendu visite à son fils Gildo Pastor Pallanca (47 ans), victime d'un AVC, un homme, à visage découvert, ouvre le feu à travers la vitre avant du côté passager de sa voiture et prend la fuite à pied avec un complice. La riche femme d'affaires est touchée au thorax, au cou et au visage, tandis que son chauffeur-majordome l'est au thorax, au coeur et à l'abdomen.
Ce dernier, Mohamed Darwich (64 ans), succombe à ses blessures le 10 mai. Après dix jours de coma, Hélène Pastor va toutefois se réveiller et être entendue très brièvement par les enquêteurs de la police judiciaire. Seulement voilà, elle ignore les raisons de l'attaque. Elle succombe elle aussi à ses blessures le 21 mai. La veille, une information judiciaire pour assassinat et tentative d'assassinat en bande organisée et association de malfaiteurs avait été ouverte.
L'assassinat a provoqué un véritable émoi à Monaco où la famille Pastor, à la tête d'un véritable empire immobilier, a façonné depuis les années 50 le paysage de la Principauté. Michel, le frère d'Hélène, autre grande figure de la ville-État, est quant à lui décédé en février dernier des suites d'une longue maladie à seulement 70 ans.
Le gendre d'Hélène Pastor serait-il l'instigateur de l'atroce besogne accomplie le 6 mai ? Son épouse Sylvia s'était-elle associée à lui ou ignorait-elle tout de ses noirs desseins ?
Sylvia Pastor, son concubin Wojciech Janowski et tous les présumés protagonistes et noms cités dans ce dossier restent innocents des faits qui leur sont reprochés jusqu'au jugement de cette triste histoire.