Cinq ans et demi après la mort de son époux le violoncelliste de génie Mstislav Rostropovitch, décédé le 27 avril 2007 à Moscou peu après son 80e anniversaire des suites d'un cancer, sa veuve Galina Vichnevskaïa s'en est allée le rejoindre : la fameuse cantatrice russe s'est éteinte mardi 11 décembre 2012 à l'âge de 86 ans, dans sa datcha à Joukovka (banlieue de Moscou) et entourée de ses proche, selon une annonce faire par la porte-parole du centre lyrique moscovite à son nom, qui a indiqué que la défunte avait récemment été en Allemagne pour recevoir des soins mais n'a pas précisé la cause du décès.
C'est ainsi un duo incroyable, uni par une même passion, aussi emblématique de la lutte pour les valeurs démocratiques que de l'excellence artistique, qui est reformé dans l'au-delà et l'éternité. Galina doit d'ailleurs être inhumée ce jeudi au côté de son mari, fameux virtuose de la liberté, dans le cimetière moscovite de Novodevitchi. Mariés en 1955, le musicien récompensé quelques années plus tôt du Prix Staline à seulement 23 ans et la soprano du Bolchoï, vécurent ensemble toutes les épreuves et tous les combats, prenant la défense de l'écrivain Alexandre Soljenitsyne (qu'ils ont même hébergé pendant un temps) et de l'académicien Andreï Sakharov, deux dissidents majeure sous l'ère soviétique. Un engagement à leurs risques et périls, dont le prix fut notamment l'exil : en 1974, Mstislav Rostropovitch et Galina Vichnevskaïa, frappés de plein fouet par leur mise au ban (annulation de leurs concerts et enregistrements, interdiction de voyager à l'étranger) pour avoir défendu le prix Nobel Soljénitsyne, quittent l'URSS avec leurs deux filles, avant d'être déchus, quatre ans plus tard, de la nationalité soviétique. Après de longues années d'exil, entre la France, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis, le couple reviendra en Russie après avoir été réhabilité par Gorbatchev. L'ancien président s'est d'ailleurs vivement ému de la morte de cette star internationale de l'opéra à la voix rare et puissante, et à l'âme remarquable : "Sa mort est une grande perte pour la culture russe. C'était une actrice et une chanteuse bouleversante. Tous les deux n'étaient pas seulement excellents dans le domaine artistique. Ils étaient là dans les moments difficiles, quand il fallait aider quelqu'un", a-t-il déclaré.
Jacques et Bernadette Chirac rendent un vibrant hommage à leur amie intime
Outre les réactions attristées de nombreuses personnalités russes, l'ancien président Jacques Chirac et son épouse Bernadette ont également fait part de leur chagrin concernant la disparition de leue "amie intime" : "Seule la mort avait pu séparer Galina Vichnevskaïa de Mstislav Rostropovitch. Ils sont à nouveau unis dans leur double passion : la musique et la liberté, qu'ils ont su associer pour mener avec une force et une détermination admirable, leur combat commun contre tous les totalitarismes. Ils ont osé accueillir Alexandre Soljenitsyne et le défendre, soutenant ainsi la lutte qui mènera à la Perestroïka et à l'effondrement du système soviétique. C'est cette passion que Galina Vichnevskaïa savait insuffler dans ses interprétations des héroïnes de l'opéra russe mais aussi de Verdi et de Puccini et qui faisait d'elle une artiste inoubliable", a écrit le couple Chirac dans un message diffusé par ses services. En 2007, Bernadette Chirac, alors première dame de la République française, avait assisté en la cathédrale du Christ Sauveur de Moscou aux obsèques de Mstislav Rostropovitch.
Même durant leur exil, Galina Vichnevskaïa n'avait cessé de se produire sur scène. Née Galina Ivanova (elle gardera ensuite le nom issu de son très court mariage avec un marin, Georgy Vishnevsky) le 25 octobre 1926 à Léningrad, l'actuelle Saint-Pétersbourg, elle y avait fait ses débuts dans un théâtre d'opérette en 1944, après avoir survécu au long siège de la ville par les troupes allemandes, entamé le 8 septembre 1941. En 1953, quelques mois après y avoir remporté un concours de chant, elle intègre la fameuse troupe du théâtre Bolchoï de Moscou, où son talent lui permet de devenir rapidement principale soliste, chantant notamment dans Eugène Onéguine ou La Dame de pique, deux opéras de Tchaïkovski basés sur des oeuvres d'Alexandre Pouchkine, ou encore Fidelio, de Beethoven. En 1961, elle se produit pour la première fois au Met de New York, dans Aida. Au fil des ans, toutes les scènes les plus prestigieuses au monde la reçoivent : en 1964, c'est la Scala de Milan qui l'accueille pour la première fois avec Turandot. Après leur mariage en 1955, Mstislav Rostropovitch l'accompagnera régulièrement, au piano ou à la direction d'orchestre. Elle avait fait en 1982 ses adieux à la scène à l'opéra de Paris en reprenant son premier grand rôle, celui de Tatiana dans Eugène Onéguine. En 2002, elle créait une école de chant à Moscou, à son nom, où elle donna des cours, toujours passionnée par son art et en perpétuelle quête de nouveaux talents. Son appartement était situé juste au-dessus, et un concours à son nom y est organisé annuellement depuis 2006. Cette année-là, Galina Vichnevskaïa, qui avait joué dans les années 1960 dans un film russe adapté de Lady Macbeth, apparaît dans le documentaire d'Alexandre Sokourov intitulé Elégie de la vie : Rostropovitch, Vichnevskaïa, avant de jouer l'année suivante dans le long métrage Alexandra, du même réalisateur, présenté lors du 60e Festival de Cannes.