Nicolas Anelka : Provoqué, il défie la Fédération et appuie là où ça fait mal !

La Coupe du monde 2010 de l'équipe de France a été riche en leçons stupéfiantes. Parmi elles, celle-ci : la Fédération ayant montré une certaine inaptitude à laver son linge sale en famille, les politiques mettent les mains dedans.

Et c'est Chantal Jouanno, nouvelle ministre des Sports, qui jouait les pompiers de service, mercredi, au sortir du Conseil des ministres. En réplique à la bombe lâchée par le quotidien Libération, qui révélait mardi que Thierry Henry et Nicolas Anelka étaient les deux seuls mondialistes à n'avoir pas renoncé à leurs primes (estimées entre 130 000 et 150 000 euros), Chantal Jouanno a affirmé que les deux intéressés "sont en train de le faire".

L'élimination de la France au premier tour de la Coupe du monde et les turpitudes qui ont émaillé ce calvaire tricolore en Afrique du Sud avaient conduit les joueurs à renoncer spontanément à leurs primes, notamment celles liées au droit à l'image. A l'automne, les intéressés, menés par Alou Diarra, désavouaient l'ancien capitaine Patrice Evra, auteur en juin de cette affirmation de renonciation pure et simple, et réclamaient finalement que leur soient versées leurs primes, dont ils souhaitaient faire don à de bonnes oeuvres, dans un souci de réconciliation avec le public. Un revirement pas du tout du goût de la fédération, qui comptait sur cette manne pour éponger le passif né du fiasco et pour financer le football amateur, comme initialement convenu. Au terme d'un pénible bras de fer et après de multiples déclarations plus ou moins nébuleuses des uns et des autres, le président intérimaire de la FFF (officiellement reconduit depuis le 18 décembre) Fernand Duchaussoy annonçait enfin, à la mi-novembre, qu'un accord avait été trouvé et que les joueurs honoreraient leur parole en renonçant à leurs primes.

Pas de cas Henry, mais une nouvelle affaire Anelka !

S'il s'avère donc que la plupart des 23 mondialistes ont signé leur acte de renonciation, quid de Thierry Henry, retraité de la tunique bleue après un manque de considération vécu comme une trahison (d'abord l'absence de soutien suite à sa main en barrages face à l'Irlande, puis son Mondial passé sur le banc), et Nicolas Anelka (sanctionné par 18 matches de suspension suite aux insultes qu'il aurait proférées et vraisemblablement irréconciliable avec l'équipe de France) ?

Selon Chantal Jouanno, "c'est réglé, ils sont en train de le faire". Mais selon Fernand Duchaussoy, qui réagissait mardi soir à la polémique naissante, ce serait un tout petit peu plus compliqué. "C'est vrai qu'il manque encore la signature de ces deux-là, mais il manque encore deux ou trois joueurs et le dossier avance, a admis Fernand Duchaussoy. Il y a un joueur qui a donné son accord aujourd'hui, que l'on avait contacté par sms, qui est Sydney Govou. Chaque jour on fait avancer le dossier. Effectivement il reste encore trois ou quatre joueurs à faire signer, mais j'ai tout a fait confiance."

Surtout, le président de la FFF, soulignant qu'il n'avait pas encore clôturé le dossier, a assuré qu'Anelka et Henry n'avaient pas refusé : "c'est archi-faux". Et de préciser : "S'il reste un ou deux joueurs à contacter personnellement, je le ferai. Je sais de façon indirecte que Thierry Henry est tout à fait d'accord pour laisser sa prime." Pour Henry, ok ; et pour Anelka ?

"Je n'ai à ce jour reçu aucun document ou coup de téléphone"

L'attaquant de Chelsea, lui, semble toujours décidé à ne pas rentrer dans le rang et à ne pas faire ce plaisir à une Fédération qu'il se plait à narguer : il a ainsi annoncé avoir choisi de reverser lui-même au football amateur et à des oeuvres ces fameuses primes, en réaction à une "nouvelle provocation de la Fédération".

Nicolas Anelka s'explique : "Tout d'abord, je n'ai à ce jour reçu aucun document ou coup de téléphone me demandant de renoncer aux primes liées à la qualification pour la Coupe du monde. Je veux bien croire que les conditions climatiques peuvent entraver l'acheminement du courrier vers l'Angleterre. En revanche, il aura fallu un article de presse pour que la FFF me demande un entretien téléphonique fixé à demain (mercredi, ndlr) après-midi (sachez que mon numéro est le même depuis plus d'un an). Il m'était par conséquent impossible de signer un document ou d'apporter une réponse sur une polémique qui à mes yeux n'avait pas lieu d'être. Je regrette qu'une personne de la Fédération s'exprime publiquement en annonçant que je ne souhaitais pas renoncer à mes primes (...) Après cette nouvelle provocation de la Fédération, j'ai choisi d'adopter une attitude différente. Par conséquent et pour m'assurer de la véritable utilisation de cette somme, j'ai décidé de la reverser moi-même et à parts égales vers le football amateur, une association tournée vers les jeunes et une oeuvre sociale, ce football amateur qui, à mes yeux, mérite mieux que le traitement qui lui est infligé par ceux qui le gouvernent."

Non seulement il se pose en exception - et on voit mal comment la Fédération pourrait lui extorquer ses primes, lui qui n'a strictement rien à perdre -, mais il appuie en outre là où cela fait mal : l'utilisation des fonds par les instances nationales, un sujet sensible et opaque, un terrain de vives controverses. Et c'est reparti pour un tour de mascarade...