Du haut de ses 35 ans, Nicolas Waldorf est un entrepreneur accompli. En effet, il est à la tête d'un empire composé de son salon de coiffure situé dans le XIe arrondissement de Paris aménagé en concept store, d'un restaurant baptisé Kokotte ou encore d'une boutique de décoration, Vadrouille. Tout récemment, il a publié son livre intitulé Vous avez rendez-vous ?. Un succès qu'il ne doit qu'à lui-même et dont il savoure chaque instant, lui qui a bien connu la galère par le passé. Son coming-out, sa relation compliquée avec ses parents, sa carrière... Le coiffeur star d'Incroyables transformations (M6) se livre pour Purepeople.com.
Vous étiez d'abord destiné à une carrière d'avocat. Comment vous est venue cette vocation de coiffeur ?
Dans ma famille, on fait des études. Et moi, enfant, j'étais obsédé par une carrière d'avocat. J'avais un oncle avocat, je voulais le devenir aussi. Le divorce de mes parents a été long et périlleux. Ça m'a conforté dans mon choix. Sauf qu'à un moment, j'ai vécu une rupture amoureuse et je n'avais pas le moral. Mes parents m'ont forcé à aller chez le coiffeur et je suis tombé amoureux du coiffeur ! En quelques mois j'ai demandé à ce qu'il m'embauche en stage. Ça m'a plu, ensuite je suis parti de chez mon père pour m'installer avec lui. Nous sommes restés deux ans ensemble. Ça a été un gros changement de vie pour moi : j'ai tout quitté, je ne voulais plus faire d'études. Et aujourd'hui, je le remercie.
Que s'est-il passé lors de la séparation avec ce coiffeur ?
J'ai commencé à apprendre avec lui puis après la rupture j'ai fait une école. Je voulais à tout prix avoir mon diplôme pour pouvoir gagner ma vie. Parce que lorsque j'ai pris cette décision, mes parents n'étaient pas très contents. Mais cette situation a du bon : ça m'a permis de me forger. Quand j'ai vu ma mère effondrée, en larmes, me dire que j'allais gâcher ma vie, je me suis dit que j'allais réussir pour ne pas qu'elle crève en pensant ça. Je pense que ça m'a donné de l'ambition. Au même titre que ma rupture, la revanche. J'avais dit au mec : "Tu verras je vais devenir le meilleur coiffeur d'Ile-de-France et tu regretteras de m'avoir quitté !" Je peux vous dire qu'il regrette !
Vous avez créé votre propre salon après avoir été confronté au "manque d'humanité". Que s'est-il passé ?
J'ai travaillé pour beaucoup de patrons qui avaient des salons à succès. Je me suis aperçu que l'on devait beaucoup travailler. Nous étions exploités, il fallait aller toujours plus vite. C'était n'importe quoi, les coiffures n'étaient pas toutes parfaites. J'avais besoin de prendre le temps. Alors j'ai appelé tous mes copains coiffeurs et j'ai pris la décision d'ouvrir mon propre salon pour me sentir bien, à l'aise. Il n'y a pas besoin d'être aussi rentable. Et c'est pour ça qu'aujourd'hui je n'ai pas 20 salons. J'aurais pu me développer très vite avec tout ce que j'ai réussi à faire dans la coiffure. Mais j'ai préféré évoluer lentement, parce que je veux que mes employés soient bien payés, je veux faire des activités, la boîte a un train de vie avec les événements... Je veux continuer comme ça, pas question de changer.
Vous avez aujourd'hui un salon de coiffure, un magasin de décoration et un restaurant. Pourquoi ce choix de se diversifier autant ?
J'aime l'idée qu'il y ait un parcours client. J'aimais aussi l'idée d'aller manger dans mon restaurant quand j'en ai envie, d'aller choisir un objet déco. J'ai développé ma boîte en captant les rêves de personnes autour de moi. Il y avait quelqu'un qui travaillait pour moi qui rêvait de faire de la décoration, on l'a fait. Il y avait une amie qui adorait la restauration, on a lancé un restau. Aujourd'hui, j'ai des employés qui veulent former alors je réfléchis à monter une académie. Je pense que c'est comme ça que je vais garder mon noyau, cet environnement bienveillant autour de moi. Je vais plus lentement que les autres, mais sûrement.
Pourquoi avez-vous accepté de participer à "Incroyables transformations" ?
On m'a proposé plusieurs émissions, notamment d'être love coach dans une télé-réalité. Je ne suis pas fait pour ça, je ne peux pas être filmé constamment. Et puis, je ne voulais pas être un imposteur : je voulais faire mon métier à la télé, sinon ça ne servirait à rien. J'ai besoin d'aider les gens, qu'il y ait du sens. Puis "Incroyables transformations" a été développé, je pensais que ça ne marcherait jamais. J'ai tourné un pilote et c'était dingue. J'aide les gens, je fais mon métier et on me donne l'opportunité d'être drôle et pétillant comme je suis dans la vie. Je ne remercierai jamais assez M6 qui a accepté que je m'assume vraiment.
La chaîne vous a-t-elle permis certaines libertés encore peu visibles ailleurs ?
Quand j'ai commencé, il n'y avait pas vraiment de diversité à la télé. Un mec qui porte des talons, des perruques, qui n'arrête pas de rigoler et qui court partout comme un fada, il n'y en a pas beaucoup ! Au début, c'était un peu délicat. Je me souviens que j'ai essayé une robe de mariée dans un épisode parce que j'en avais envie. Je suis tombé à genoux, j'ai eu les larmes aux yeux. La productrice n'a pas compris, je lui ai répondu : "Je suis en robe de mariée sur M6. Je suis ouvertement gay, je m'assume et pour moi c'est quelque chose." Je me dis que je montre une réussite à certains parents perdus, peut-être. Je sais que j'ai apporté quelque chose de nouveau. Amener la diversité sans que ce soit une claque, c'était important pour moi.
Qu'est-ce qui était le plus dur durant le tournage ?
Le plus dur, c'est moi-même. Je suis mon pire ennemi, c'est terrible. J'ai un niveau d'exigence qui est terrible. La production ne l'est pas autant que moi. Ça peut me rendre fou. Avec la fatigue, l'habitude, les saisons qui passent, il faut garder cet intérêt, cette magie. Je suis quelqu'un d'hyper dispersé, j'ai toujours de nouveaux projets. Alors il faut que l'on me rappelle pourquoi je le fais. Là, il a fallu que je tourne une émission avec des gens qui ont évolué, qui se sont mariés et ont eu des enfants. Ça m'a remotivé, parce que je commençais à me poser des questions sur la suite. On venait de passer la Covid, je pensais qu'il était inutile de dire aux gens que leur coupe de cheveux n'allait pas. En fait, à partir du moment où j'ai changé leur vie, c'est important. Ce n'est pas superficiel, ça permet de se sortir d'une mauvaise période, d'écrire un nouveau chapitre.
Vous avez révélé avoir été en froid avec votre maman après votre coming out. Que s'est-il passé ?
J'avais 16 ans quand j'ai annoncé que j'étais gay, que je voulais vivre avec Kevin et que je voulais être coiffeur, ça faisait beaucoup. J'ai été un peu con sur ce coup-là. Ma mère est chrétienne, vietnamienne, traditionnelle et mon père est sicilien. C'était la catastrophe. Mon père ne m'a plus jamais regardé dans les yeux. Et pour ma mère, ce n'était pas possible. J'étais son chouchou, son prince. Et du jour au lendemain elle pensait que je n'aurais jamais d'enfant, que j'allais gâcher ma vie et mourir du sida. Ça a été très compliqué. J'ai dû construire ma vie comme ça. Peut-être que ça a influé sur ma trajectoire. Je ne pouvais pas me suffire de peu, ça a guidé mon ambition. Je le vivais mal qu'ils pensent que j'ai choisi une voie de garage. Aujourd'hui c'est un métier d'artiste, pas à l'époque. Ils étaient dégoûtés.
Quelle relation entretenez-vous avec votre père ?
J'ai repris contact avec lui il y a deux, trois mois. Il sortait de l'hôpital et il m'a appelé plusieurs fois. Je n'avais pas vraiment répondu. J'étais très content mais c'était très spécial. Je savais qu'il fallait que je n'attende rien. Lui il était fier parce que je suis devenu célèbre, il voulait faire des photos. C'est comme s'il avait zappé toutes les années de galère où il n'a pas forcément décroché son téléphone pour m'aider. Je ne lui en veux pas, ni à ma mère : ils avaient des quadruplés, je leur ai mis beaucoup d'obstacles. Ils étaient déjà en choc de cultures entre eux. On s'était déjà revu au mariage de ma soeur, on s'est échangé une phrase pas agréable et j'étais très mal à l'aise.
Vous parlez de la galère vécue plus jeune, à quoi faites-vous référence ?
A une époque, j'étais dans un appartement qui donnait sur un puits de lumière. J'avais un petit lit avec un petit matelas, une armoire assez fine où j'empilais mes vêtements. Je me chauffais avec la plaque rouge de la cuisine. Je n'avais pas une thune. Personne ne m'a aidé. Je mangeais des palets bretons à 1 euro et je me disais : "Mais ce n'est pas possible." Ensuite j'ai quitté cet appartement pour aller vivre dans un 9m2, on était trois dedans. J'ai galéré, mais aujourd'hui j'estime ma chance justement parce que j'ai vécu ces années-là. Je savoure chaque instant parce que je reviens de loin. Et demain si tout s'arrête, je saurais comment me débrouiller. Ça fait partie de mon histoire.
De plus en plus d'hommes, notamment issus du monde de la télé-réalité, vont en Turquie faire des implants capillaires. Qu'en pensez-vous en tant que coiffeur ?
J'ai des gens dans mon entourage qui l'ont fait. La seule chose qui est un peu compliquée, c'est qu'il n'y a pas de suivi. S'il y a une complication ou un défaut de greffe, il faut y retourner. C'est plus rentable d'aller en Turquie. Et je crois qu'en France il y a un quota maximum d'implants, une limite moins encadrée là-bas. Aujourd'hui ça se démocratise quand même ici... Moi j'irais à Paris parce que j'aurais eu trop peur qu'il y ait un problème.
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