La polémique des nominations aux Oscars, symbolisée par le hashtag #OscarsSoWhite, continue de plus belle. Chaque acteur et actrice est interrogé sur le sujet dès qu'un micro s'approche. La liste est longue et si tous sont presque d'accord pour souligner le manque de diversité, tous ne valident pas l'idée d'un boycott de la cérémonie.
Jada Pinkett Smith a réagi, non pas aux déclarations d'Alexis Arquette qui la dit lesbienne, mais à celles de Janet Hubert, ex-partenaire de Will Smith dans Le Prince de Bel Air (tante Viviane). Cette dernière avait accusé la femme de Will de dramatiser le problème des Oscars, alors que des choses bien plus graves se passent et de vouloir boycotter un événement alors qu'elle profite du système. Si elle a remercié l'Académie qui organise les Oscars et sa présidente Cheryl Boone Isaacs pour avoir réagi rapidement à la question, sur Entertainment Tonight, la maman de Willow et Jaden a répondu au propos de l'ancienne "Tante Viv" : "Si on regarde le fait qu'en Alabama, il y a eu le plus haut taux de recrutement pour le Ku Klux Klan le jour de l'anniversaire de la mort de Martin Luther King, j'espère que nous, les Afro-Américains, pouvons trouver une façon de rester unis et avancer ensemble. Voici l'idée : Cette controverse des Oscars n'est pas vraiment sur les Oscars. Mon souhait, c'est de demander à notre communauté, nous les gens de couleur, d'utiliser notre pouvoir dans nos domaines respectifs, maintenant, notamment les Noirs Américains pour qui il y a des problèmes graves." L'héroïne de Magic Mike XXL a pris soin de ne pas jouer sur la même corde que Janet Hubert, qui avait utilisé un langage quelque peu fleuri pour s'adresser à la femme de Will Smith - comme elle l'avait fait du reste en 2011 concernant la star de Men in Black.
Will Smith est monté au créneau pour sa femme Jada. En interview avec la chaîne ABC, il a déclaré insister sur le fait que sa femme aurait poussé son "coup de gueule", même s'il n'avait pas été question de son mari et de sa performance dans Seul contre tous, snobée par les Oscars : "Ce n'est pas de moi dont il s'agit, mais des enfants qui vont regarder le show et ne pas se reconnaître." Et soutient l'idée d'un boycott comme sa femme : "Nous faisons partie de cette industrie, c'est vrai, mais je me sens mal à l'aise aujourd'hui, je ne peux pas dire que tout aille bien."
Snoop Dogg ne surprend pas avec sa vidéo - republiée par Spike Lee - sur Instagram, dans laquelle il clame qu'il ne regardera pas les Oscars. Le réalisateur de Malcolm X a toutefois précisé en interview qu'il n'a jamais utilisé le terme de boycott - il a pourtant clairement dit qu'il n'irait pas à la soirée, alors qu'il a reçu un Oscar d'honneur - et laisse chacun prendre la décision qu'il souhaite.
Récente gagnante de l'Oscar du meilleur second rôle pour Twelve Years a Slave et héroïne de Star Wars - Le Réveil de la Force, Lupita Nyong'o fait part, sur un post Facebook, de sa déception et se dit "solidaire de ses pairs qui réclament du changement".
Un post suivi des mots du Britannique Idris Elba, héros de Beasts of No Nation qui aurait tout à fait pu être nommé dans la catégorie meilleur acteur. Le message cite une partie de sa déclaration devant le Parlement britannique sur l'importance de la diversité dans les médias. Selon lui, il faut intégrer la diversité dès le moment de la création.
Interrogé par la BBC, le réalisateur britannique Steve McQueen, d'origine jamaïcaine, à qui l'on doit Hunger, Shame et Twelve Years a Slave, explique que cette absence de diversité est autant liée "au racisme qu'au manque d'audace des décideurs" de l'industrie cinématographique. "Le box office n'est pas en cause car les acteurs afro-américains et les films qu'ils portent ont du succès. Le problème, ce sont les présidents des studios et des chaînes de télévision. Ils doivent donner de meilleurs rôles et de meilleures intrigues."
Toujours prêt à plonger dans les débats de société ou politique, George Clooney est lui aussi touché par le manque de diversité des nominations d'acteurs, comme il le dit à Variety, allant jusqu'à trouver que l'Académie des arts et sciences du cinéma avait régressé : "En 2004, il y avait des nommées afro-américains, comme Don Cheadle, Morgan Freeman. Et tout à coup, on a l'impression d'aller dans la mauvaise direction... Quelles sont les options disponibles pour les minorités au cinéma, notamment dans les films de qualité ? Il devrait y avoir 20, 30, 40 films de qualité avec des acteurs de minorités que les gens prendraient en compte pour les Oscars. Nous devons faire mieux que ça. Nous faisions mieux que ça."
Présentatrice géniale des Oscars il y a quelques années, Whoopi Goldberg a fait part de son ressenti durant son émission The View : "Pourquoi ce n'est qu'une fois par an que l'on parle de ça ? Le problème ne vient pas du fait que les membres de l'Académie sont trop blancs, mais du problème que les minorités n'ont pas l'argent pour faire des films avec de la diversité. Les décideurs ne veulent pas investir. Tant qu'il n'y aura pas de films comme Avengers avec des distributions variées, ça ne changera pas." Elle finira pas dire : "Je ne vais pas boycotter la cérémonie, mais je vais continuer de critiquer la situation toute l'année." 50 Cent supplie quant à lui l'animateur de la soirée, l'Afro-Américain Chris Rock, de ne pas la présenter.
Boycotter, c'est une décision radicale à laquelle réfléchit Mark Ruffalo, nommé dans la catégorie meilleur second rôle pour Spotlight. Il a précisé sa démarche à BBC News : "Je soutiens le mouvement." Il a paraphrasé Martin Luther King : "Les gens bien qui n'agissent pas, c'est pire que les mauvaises personnes qui ne bougent pas volontairement." Il a rappelé que le problème n'est pas que l'Académie, mais qu'il touche aussi le système américain entier.
La BBC s'est fait manifestement l'écho des artistes engagés. Elle a recueilli les paroles de Dustin Hoffman qui était présent aux National TV Awards, à Londres : "Il y a dans notre pays un racisme subliminal." Le problème est bien plus vaste que les Oscars évidemment : "Il y a un problème encore plus grave avec les jeunes noirs qui se font tuer dans la rue par la police."
En France, le sujet est bien évidemment d'actualité puisque le problème pourrait tout autant se poser avec les nominations aux César. Omar Sy, seul acteur noir à avoir remporté un César, a été sollicité alors qu'il fait la promotion du long métrage Chocolat : "A chaque fois qu'une communauté, qu'une minorité sera exclue pour une raison qu'on a du mal à expliquer pour le même travail et le même talent, et parfois même plus de talent, il faudra boycotter, ils ont raison." Le réalisateur de ce film, Roschdy Zem abonde dans ce sens : "Ce boycott des Américains, je le trouve légitime, au même titre que le boycott des dessinateurs à Angoulême parce qu'il n'y avait pas de femmes en compétition." Une référence au tollé suscité en France par l'absence de femmes parmi les nommés pour le Grand Prix du festival de BD d'Angoulême.