Les Oscars font plus que jamais polémique. Sur les 20 acteurs et actrices nommés pour l'édition 2016, aucun n'est de couleur. Pour cette édition, on aurait pu espérer voir des acteurs des films Beasts of No Nation, Seul contre tous avec Will Smith, Straight Outta Compton et Creed (dont l'acteur blanc, Sylvester Stallone, a eu le droit à sa nomination). Le hashtag #OscarsSoWhite ("des Oscars si blancs") fait fureur sur Twitter et une nouvelle étape est franchie avec le boycott réclamé par le réalisateur engagé Spike Lee et l'actrice Jada Pinkett Smith. Cette dernière n'a pas convaincu une ancienne partenaire de son mari Will Smith dans la série Le Prince de Bel-Air, tandis que l'Académie des Oscars a réagi à la situation par la voix de sa présidente (noire), Cheryl Boone Isaacs.
Dans un communiqué, la présidente de l'Académie qui organise les Oscars a fait part de sa déception et de sa frustration concernant les nominations : "J'ai à la fois le coeur brisé et je suis frustrée par le manque de diversité. C'est un débat difficile, mais important : il est temps de procéder à des changements majeurs." Elle veut montrer les actions prises "dans les jours et semaines à venir. Nous allons réviser le recrutement des membres de l'Académie pour mieux représenter la diversité à partir de 2016 et les années suivantes... Les changements n'arrivent pas aussi vite que nous le souhaiterions. Nous devons faire davantage, mieux et plus rapidement... Dans les années 1960 et 1970, la question était de rajeunir l'âge des votants afin de rester en accord avec notre époque. En 2016, l'objectif est d'inclure toutes les facettes : le genre, la race, l'ethnie et l'orientation sexuelle."
Même Chris Rock, présentateur de la cérémonie, a clashé les Oscars en les surnommant sur son compte Facebook "les White BET Awards" : à savoir, l'équivalent "blanc" de la soirée de remise de récompenses créée en 2001 par la chaîne Black Entertainment Television pour récompenser les Afro-Américains et autres minorités du divertissement.
Difficile de trouver des personnalités qui ne reconnaissent pas la non-diversité totale des nominations des Oscars, dans les catégories liées à l'interprétation. Cependant, l'idée de boycotter la fête, véhiculée par le réalisateur militant Spike Lee et la femme de Will Smith, Jada Pinkett Smith, n'a pas convaincu Janet Hubert - et elle le dit haut et fort à travers une vidéo. Son nom est méconnu, mais son visage ne l'est pas : elle joué la première "tante Vivi" dans la série Le Prince de Bel-Air.
"Tout d'abord, 'madame Machin', est-ce que ton homme n'a pas une bouche pour parler lui-même ? Deuxièmement, il y a plein de merdes qui se passent dans le monde et tu n'as pas l'air de réaliser. Des gens meurent. Nos fils se font tuer à droite et à gauche. Des gens ont faim. Des gens essaient de payer leurs factures. Et toi, tu nous parles de putains d'acteurs et d'Oscars ? Une autre chose : tu demandes aux autres acteurs de mettre en péril leur carrière dans une ville [Los Angeles, NDLR] où tu sais bien qu'on ne peut pas faire ça.... Et puis, je trouve ça ironique que quelqu'un comme toi, qui a fait fortune avec ces personnes, tu veuilles les boycotter parce que tu n'as pas eu ta nomination." Soulignons que Jane Hubert, remplacée par Daphne Maxwell-Reid dans Le Prince de Bel-Air, avait des antécédents avec Will Smith et l'avait même traité de "connard" et "d'égocentrique" en 2011.
Si aucun acteur d'origine latine n'est nommé, le réalisateur mexicain Alejandro Gonzalez Iñárritu peut se targuer de l'être pour la deuxième année de suite, après Birdman - pour lequel il a été sacré - et de compter douze nominations pour The Revenant. Sans montrer de colère ni faire de polémique, il a expliqué à l'Associated Press, lors de l'avant-première de son film à Paris le 18 janvier : "En tant que Mexicain, personne à la peau foncée, face à ces nominations, je me sens privilégié. C'est étrange que des talents d'artistes issus des minorités n'aient pas été reconnus. Car c'est le visage des Etats-Unis. C'est sur la base de la diversité que le pays a été fondé. La beauté et la force des Etats-Unis, c'est ce mélange de cultures qui n'est pas représenté à l'écran et qui est pourtant un miroir. Si on ne peut pas voir son reflet au cinéma, c'est qu'il y a quelque chose qui ne va pas. Beaucoup de choses doivent s'améliorer. Davantage de scénarios et de productions doivent venir des minorités et espérons que cela change. Mais oui, il y a beaucoup à faire."