C'est une poignante autobiographie que s'apprête à publier Pascal Papé. Dans Double jeu, ses mémoires qui paraîtront jeudi 20 octobre aux éditions Michel Lafon, le deuxième-ligne du Stade Français met à nu ses fêlures et révèle pour la première fois son enfance douloureuse et son combat contre la dépression. Samedi, l'Equipe Magazine lui consacre à cette occasion une interview vibrante.
Enfant de la DDASS, le sportif de 36 ans révèle avoir été négligé par sa mère biologique, qui se prostituait pour se droguer. Il était seulement âgé de six mois lorsque, "livré à lui-même dans un appartement" sans être nourri, les voisins entendent ses pleurs. "Je suis resté un mois et demi à la DDASS. Quand ma famille me recueille, j'ai sept mois et demi. C'est pourquoi, pour moi, je suis né à sept mois et demi", confie-t-il.
Recueilli par une famille aimante, il admet que son premier souvenir est lorsque ses parents lui ont expliqué qu'il avait "une autre maman". "Dans mon malheur, j'ai eu un grand bonheur : celui d'arriver dans une telle famille. Un gamin comme moi ne pouvait rêver mieux. Qui, en plus, a eu l'intelligence de me dire tout de suite quelle était ma situation. Je pense que si je l'avais appris à dix ans, cela aurait pu être terrible."
On m'injectait des piqûres de malheur et de tristesse dans le sang
De son père biologique, il ne sait rien. "Et je m'en fous", argue-t-il. Il détaille ensuite le profil de sa mère biologique et révèle une anecdote glaçante. "C'est une femme qui connaît beaucoup de problèmes psychologiques : elle est souvent placée dans un centre psychiatrique, elle en sort, elle y retourne, elle est dans une vie de débauche. Pour pouvoir picoler, se droguer, elle se prostitue. (...) Elle a eu auparavant un petit garçon qu'elle avait gardé. Et le père du garçon, ou bien un de ses amants, a jeté l'enfant par la fenêtre parce qu'il pleurait. C'est à partir de là qu'elle a commencé à avoir ses problèmes, que les services sociaux l'ont prise en charge", poursuit-il.
Au cours de son enfance, les services sociaux l'ont obligé à rendre régulièrement visite à sa mère biologique. De ces souvenirs, Pascal Papé n'en garde que du négatif. "Ces visites ont pollué toute ma jeunesse. Car elle avait un droit de regard sur ma vie. (...) Ces rendez-vous étaient chaque fois une torture. Ils ont commencé à l'âge de 3 ans. Ma mère biologique était une pauvre femme. Aujourd'hui, je ne lui en veux pas [elle est décédée en 2005, NDLR]. C'est quelqu'un que la vie a abandonné. Elle a fait comme elle a pu. J'en veux plus au système qu'à elle. Car on m'avait placé dans une famille formidable, mais une fois par mois on m'injectait des piqûres de malheur et de tristesse dans le sang. (...) Cela me crée des problèmes psychologiques (...) car je crains en permanence d'être retiré de cette famille et d'être renvoyé dans cet enfer avec ma mère biologique."
J'ai eu envie de dormir pour toujours...
Libéré par son adoption officielle à l'âge de 18 ans ("Cela reste l'un des plus beaux jours de ma vie"), Pascal Papé a néanmoins été rattrapé par son histoire bien plus tard, à l'âge adulte. "Après une blessure survenue lors du match France-Italie, dans le Tournoi des Six Nations 2013, j'ai arrêté longuement, j'ai dû prendre des médicaments très forts pour le dos [il souffrait d'une lombosciatique aiguë, NDLR] et là j'ai plongé", poursuit-il. Lui qui est à son tour devenu père de famille [il est parent de trois enfants avec son épouse, Louis, 9 ans et les jumeaux Luc et Thomas, 7 ans, NDLR] pète les plombs. A deux doigts de se montrer violent avec sa femme, il fait une tentative de suicide : "Tout explose au même moment. Je fais une dépression et, ce fameux soir, je suis au bord de faire n'importe quoi... Il y a à ce moment-là un mélange de fatigue, de tristesse, de dégoût de soi. Je ne suis bien que quand je dors or je n'y arrive pas. Alors, j'ai eu envie de dormir pour toujours..."
Après avoir évité le pire, Pascal Papé est allé chercher de l'aide. Intégré dans un hôpital psychiatrique, il admet avoir appris à "commencer à accepter son histoire". "J'ai pu voir où j'en étais, qui j'étais, comment j'en étais arrivé là et m'assumer enfin", poursuit-il. S'il prend aujourd'hui le temps de raconter son histoire, c'est pour "montrer qu'on naît pas forcément sous une bonne étoile, mais qu'on peut quand même essayer de la faire briller". Et de conclure : "Si en lisant ce livre des personnes peuvent se dire que tout n'est pas déterminé dans une vie..."
S.L.
Retrouvez l'intégralité de l'entretien de Pascal Papé dans l'Equipe Magazine en kiosque samedi 15 octobre 2016