Après le dessinateur Luz, une autre figure de Charlie Hebdo, l'urgentiste Patrick Pelloux, a décidé de quitter l'hebdomadaire satirique. Toujours profondément traumatisé par l'attentat meurtrier du 7 janvier qui a coûté la vie au directeur de la publication Charb, ainsi qu'aux dessinateurs Wolinski, Cabu, Honoré et Tignous, Charlie Hebdo va ouvrir un autre chapitre de son histoire.
"Il y en a d'autres qui vont continuer ce journal et je reste Charlie Hebdo dans l'âme mais il faut savoir tourner la page un jour", a expliqué Patrick Pelloux dans un entretien accordé vendredi 25 septembre à la radio étudiante Web7Radio. "Je pense que je n'apporte plus rien à ce journal. Je m'en irai sans tambour ni trompette", ajoute celui qui table sur un départ courant janvier. Et d'ajouter : "Je n'ai plus le courage de continuer chaque semaine".
L'AFP a aujourd'hui confirmé, selon les dires de Zineb El Rhazoui, une des collègues de Pelloux à Charlie, le départ de celui qui était apparu dans le paysage médiatique en 2003 en alertant sur les conséquences sanitaires de la canicule. Pour celle qui était menacée d'un licenciement au printemps dernier, ces deux départs sont bien "le signe que ça ne se passe pas bien avec la nouvelle direction". Le rédacteur en chef, Gérard Biard, a indiqué à l'AFP ne pas être au courant de la décision de Patrick Pelloux.
Chroniqueur au journal depuis une douzaine d'années, Patrick Pelloux avait été l'un des premiers à arriver sur place après l'attaque du 7 janvier dans les locaux de l'hebdomadaire, découvrant les 12 morts dont son ami Charb. Depuis, il est devenu l'un des porte-voix du journal, vivant comme d'autres membres de l'équipe sous très haute protection policière. L'annonce de son départ intervient juste après celle du dessinateur emblématique Luz, auteur après l'attentat d'une "Une" controversée avec Mahomet affirmant "tout est pardonné". "Il y a une partie de nous-mêmes qui s'est arrêtée au moment de ces attentats", confiait l'urgentiste au micro de la radio lycéennne.
Leurs départs risquent donc de compliquer un peu plus la reconstruction du tristement célèbre titre qui compte aujourd'hui 210 000 abonnés. Malgré un avenir financier dégagé grâce aux nouveaux abonnements, dons et aides publiques, la rédaction a été la proie ces derniers mois de tensions internes, notamment liées aux questions financières et éditoriales, mais aussi au "partage de la décision". Riss, nouveau patron de Charlie Hebdo, veut faire "rentrer de nouveaux salariés" tout en opérant un toilettage de la maquette ainsi que faire évoluer la répartition de l'actionnariat, principale source de crispation au sein de l'équipe ces derniers mois. "Le vrai enjeu est de consolider le journal, de trouver de nouveaux dessinateurs avec l'esprit Charlie Hebdo et un ton original, pour recréer un travail collectif, une bande, une ambiance, avait-il souligné en juillet. Charlie Hebdo a reçu beaucoup de dessins, mais pas toujours ce qu'on voulait. Certains dessinateurs ont peur, ils demandent à signer sous pseudo, m'interrogent sur les mesures de sécurité. Je dois les rassurer."
Hébergé depuis janvier dans l'immeuble de Libération, la rédaction doit aussi déménager en octobre dans des bureaux ultra-sécurisés du XIIIe arrondissement de Paris.