Cuisinier de talent, pâtissier de génie, précurseur et inventeur d'une nouvelle forme de gastronomie, Philippe Conticini est sans conteste l'un des plus grands cuisiniers de l'histoire et considéré par ses pairs comme un représentant incontournable de la gastronomie tricolore. Mais avant de trouver sa voie et de devenir le chef qu'il est, Philippe Conticini a longtemps souffert de son surpoids. Pour Gala, celui que l'on croise régulièrement dans les concours culinaires télévisés comme Top Chef, Le meilleur pâtissier ou encore MasterChef, raconte une enfance difficile passée au coeur de l'art culinaire...
Petits pois et sardines
Pour la rubrique "Il était une fois" de Gala, Philippe Conticini revient sur la particularité physique qui le caractérise, avec laquelle il vit aujourd'hui en harmonie : son surpoids. Il raconte que dès l'enfance, les kilos se sont accumulés sans contrôle. Des kilos liés "au manque de [s]es parents". Ces derniers, Roger et Christiane, sont partis de loin pour atteindre les sommets. Le jour de leur mariage, il n'y avait "que des petits pois et des sardines pour unique repas de noces". Son père débute comme plongeur dans un bar de La Varenne avant de rapidement prendre du galon. Très vite, il ouvre son propre restaurant avec son épouse au début des années 1960, Le Rocher, un relais routier à Vitry. En 1963, celui que le Gault & Millau qualifiera d'"enfant prodige de la pâtisserie" voit le jour.
Six ans plus tard, les parents font l'acquisition d'un autre restaurant qui, au terme de deux années de travaux, deviendra Le restaurant du Parc, futur étoilé au Michelin. En 1972, Philippe Conticini et son frère passent d'un deux-pièces au-dessus du restaurant à un immense 220 m² avec tout le confort moderne, "salle de bains en marbre et jardin privatif". Le revers de la médaille ? Ses parents travaillent "six jours et demi sur sept". C'est pourtant sa mère qui l'initiera à la cuisine, elle qui côtoya Jacques Manière, Bernard Loiseau ou encore Michel Guérard. "Mon père, dur, me faisait très peur, raconte le pâtissier. Il nous éduquait comme il l'avait été lui-même. Sans savoir dire 'je t'aime', sans me prendre dans ses bras." Sa mère ? "Élevée par des parents terribles", elle aimait ses enfants "sans avoir jamais appris comment faire".
"Une laisse de graisse"
C'est vers l'âge de 2, 3 ans que va débuter la vertigineuse prise de poids de Philippe Conticini. A 7 ans, il pèse déjà 42 kilos pour 1,42 mètre. "Je me sentais déjà malheureux, confie-t-il, comme un chien attaché à sa laisse de graisse." Des mots forts, des mots durs dans la bouche du maître de la pâtisserie, fondateur de la Pâtisserie des rêves et créateur des verrines utilisées aujourd'hui partout dans le monde. Les nutritionnistes n'y changeront rien : "En fait, je grossissais du manque de mes parents." Le sport est un échec. A la piscine, il est victime "de moqueries". Au foot, son entraîneur ne veut pas de lui. Seul le tennis de table lui procure un plaisir certain.
Le service militaire ne lui sera non plus d'une aucune aide, alors qu'il souhaitait absolument le faire. "Pour m'enfuir du cocon familial." L'armée ne l'a finalement pas accepté, officiellement pour psychiatrie (réformé P4 dans le jargon), officieusement pour son poids. Son père, qui ne comprendra jamais son surpoids, lui répète tous les jours que c'est "une tare", qu'il n'a "aucune volonté" et qu'il "n'arrivera jamais à rien dans la vie".
Le jour où tout a changé
Mais "à 23 ou 24 ans", tout change le jour "où j'ai compris que je n'étais pas celui que je croyais être" : "A La Table d'Anvers, le restaurant que nous avions depuis 1986 avec mon frère, les clients me disaient souvent : 'Philippe, vous m'avez touché l'âme.' J'ai pris conscience que, pour la première fois, on me parlait sans voir mes formes, que je pouvais communiquer avec les autres à travers le goût."
Aujourd'hui, Philippe Conticini est "un homme heureux", père et mari comblé. Dépositaire d'une légèreté, d'une précision et d'une subtilité modèles dans le monde gastronomique, il résume joliment le chemin parcouru : "Je n'ai eu de cesse de travailler les émotions [du goût] pour laisser s'exprimer le gamin que j'étais vraiment et l'homme que je voulais devenir."
Philippe Conticini, à retrouver dans la rubrique Il était une fois, dans le gala du 18 décembre 2014