"Je peux vous annoncer qu'on ne me verra plus. On m'oubliera." Ces mots, Richard Gasquet les a dits dans les pages de Society, à qui il a accordé une longue interview. Révélateurs d'un ex-jeune prodige du tennis que l'on attendait de voir devenir le premier français classé numéro 1 à l'ATP. Mais Richard, la première place ne l'intéressait pas. Pas son truc. "J'aimais et j'aime toujours le jeu", confie-t-il...
"Petit Mozart"
Pourtant, Richard Gasquet avait tout pour réussir. "Il n'y a jamais eu personne d'aussi fort que moi à 15 ans, confie-t-il à Society. Ça n'a jamais existé. Bon, ça serait mieux que ça soit le cas aujourd'hui, mais en France, aucun joueur n'a joué aussi bien aussi jeune. Tu es tout de suite catalogué comme un génie. Tu as trop d'attente autour de toi." Plus fort que Rafael Nadal, avec qui il n'a que quinze jours d'écart, ses prédispositions sur un court ne passait pas inaperçues, comme à Roland-Garros en 2002 où, sorti des qualifications, il élimina au premier tour Franco Squillari, demi-finaliste la saison précédente...
Évidemment, l'attente est énorme autour du jeune prodige, qui pourrait bien être le premier tricolore à aller chercher la première place du classement ATP. Et, pourquoi pas, triompher à Roland-Garros et enfin succéder à Yannick Noah. "A 15 ans, tu es surnommé 'le petit Mozart'. Alors si tu ne gagnes pas Roland-Garros, on va forcément le percevoir comme un échec", explique-t-il. Et oublier qu'il a tout de même pointé à la 7e place mondiale. Alors, qu'a-t-il manqué à Richard Gasquet pour connaître la même trajectoire qu'un Rafa Nadal, aujourd'hui au sommet du tennis mondial avec 14 titres du Grand Chelem ?
Plaisir du jeu
"Je jouais pour le plaisir du jeu", raconte le jeune homme pour qui être "arrivé vers 16 ans parmi les meilleurs, très fort, très jeune" a été "un choc". "J'aimais et j'aime toujours le jeu", poursuit-il, reconnaissant avoir péché par un manque certain de physique, à l'inverse d'un Nadal impressionnant de ce côté-là. "Un travail que j'ai moins fait, c'est clair, explique-t-il. J'étais plus dans l'optique de jouer au tennis, la technique, le plaisir."
Si son revers à une main impressionne les plus grands, Roger Federer en tête, qui "aimerait avoir son revers", il manque encore ce petit quelque chose à Richard Gasquet pour aller décrocher le graal dont il rêve encore : un Grand Chelem. "J'ai parfois manqué d'estime de moi-même, analyse le jeune homme de 28 ans. (...) C'est ce qu'il faut pour être dans les tout meilleurs, pour être un très, très grand. Ce que je ne suis pas. Je pense être un bon joueur, mais je n'ai pas gagné de Grand Chelem ou quoi. Pour cela, il faut avoir un peu de melon. En France, ça ne passe pas très bien."
Mais, lucide, Richard Gasquet avance une autre explication, toute simple, que beaucoup de joueurs ont parfois du mal à reconnaître : "A chaque fois que j'ai perdu, c'est que je n'ai pas été assez fort." Et si Richard Gasquet, son amour du jeu et son physique atypique n'étaient pas arrivés à la bonne époque ? Si celle des Connors, McEnroe, Becker, Borg avait été la bonne ? "J'aurais bien aimé jouer à cette époque. Le physique était moins prépondérant qu'aujourd'hui, c'était moins professionnalisé, il y avait moins de médias, les mecs se prenaient moins la tête sur ce qu'ils racontaient (...) Tout est bordé pour que tu ne fasses pas le con", lâche-t-il. Résultat, le jeu actuel ne l'intéresse plus : "Même Murray-Djokovic, ça ne me fait pas vibrer. Tu sais que ça va jouer à droite, à gauche, il n'y a pas d'opposition de styles, pas de créativité. Je préfère regarder du foot."
"J'ai trop pris durant ma carrière"
L'après tennis ? "On pourra toujours dire que j'ai toujours fait parler." Effectivement. Entre sa prétendue relation intime avec Arnaud Lagardère ou son affaire de cocaïne, on aura plus souvent parlé de ses échecs que de ses réussites : "Quand je gagne, on est très heureux pour moi. Quand je perds, on n'hésite pas à me défoncer." C'est pour ça, entre autres, qu'il ne sera pas consultant, à l'image de certains anciens joueurs tricolores... "Ça risque de ne pas être terrible car je ne défoncerai pas les mecs. Pour faire un peu d'audience, il faut être critique. Moi, j'aurais du mal, peut-être parce que j'ai trop pris durant ma carrière", avance Richard Gasquet.
Alors, de quoi sera fait la retraite du plus élégant des joueurs français ? "Deux ans de golf non-stop, à droite et à gauche. Puis un peu de foot, quelque part dans un club à la con vers Béziers. Et puis, je peux vous annoncer qu'on ne me verra plus. On m'oubliera."
Richard Gasquet, un entretien à retrouver en intégralité dans les pages de Society du 15 mai 2015