Martin Fourcade et sa domination sans partage du biathlon, c'est un peu une histoire de famille. Une histoire entre haine, amour et admiration avec son frère Simon, de quatre ans son aîné et qui a bien évidemment assisté à la montée en puissance inexorable du prodige...
Une histoire de famille
Dans les colonnes du JDD, Simon Fourcade, 29 ans, revient sur les liens uniques qu'il entretient avec son petit frère Martin, star tricolore des JO de Sotchi qui se sont achevés ce dimanche 23 février. Et selon l'aîné, le triple médaillé de ces jeux en est venu au biathlon par mimétisme. "Il m'a toujours emboîté le pas", confie Simon Fourcade. Quel que soit le sport qu'il pratiquait, son petit frère faisait la même chose. Mais très vite, Martin Fourcade révèle des talents innés pour le tir à la carabine, qu'il touche dès ses 10 ans. "Il avait des prédispositions, à l'école aussi, alors que moi je devais me battre pour tout", poursuit Simon.
Martin marche sur les traces de Simon, jusqu'à le rejoindre en sports-études à Villars-de-Lans. Mais la séparation géographique avec sa petite amie d'alors n'enchante guère le petit dernier... Il faudra une rupture avec sa compagne pour voir Martin revenir un an plus tard, plus motivé que jamais. Ou pas. Car à Villars-de-Lans, la cohabitation ne se passe pas forcément de la meilleure des manières entre les deux frangins. Si Simon Fourcade est une bête de travail, Martin est un peu "plus dilettante", "sans être un branleur" : "S'il avait une séance de deux heures, il ne s'emmerdait pas à se lever à 8h pour ça. Il était plutôt branché grasse mat." Au bout d'un an, Martin quitte Simon pour Hélène et un appartement à 800 mètres du frangin...
Vancouver, le tournant
Si la cohabitation entre les deux biathlètes semblent bien se passer sur les pistes, les Jeux olympiques de Vancouver en 2010 vont marquer un tournant dans leur relation. Simon débarque au Canada fort de sa position de leader de la Coupe du monde. Pourtant, c'est bien Martin qui termine sur le podium, à la seconde place, loin devant Simon qui passe totalement à côté de ses olympiades. "J'ai beaucoup de mal à l'accepter car même s'il était devenu plus bosseur, je voyais qu'il n'avait pas à forcer son talent, explique-t-il. Et puis c'était le petit frère, doté des mêmes gènes, qui me passait devant. J'y voyais comme une injustice."
Dès lors, les relations vont se dégrader au fil des mois. La saison suivante, Simon Fourcade n'a qu'une obsession, battre son cadet. "Je rejetais tout de lui", dit-il ainsi. L'un et l'autre s'ignorent cordialement, mais Simon semble nourrir une sorte de haine à l'égard de Martin, qui se détache très vite de la situation pour se concentrer sur sa carrière, avec le succès qu'on lui connaît : cinq fois champion du monde, double vainqueur du gros Globe de Cristal en 2012 et 2013 (classement général de la coupe du monde) et 7 petits Globes de Cristal. Pour Simon, dix-huit mois seront nécessaires pour évacuer la frustration et "accepter que [s]on petit frère était devenu meilleur".
Sotchi, la consécration et "les forums à la con"
À Sotchi, c'est ensemble que les frangins auront disputé les JO. Même si Simon n'aura eu le bonheur de participer à l'épreuve du relais en sprint au côté de Martin, cloué au lit par une gastro. Ce qui ne l'a pas empêché de révéler quelques petites manies de son jeune frère. Et notamment celui de lire tout ce qui se dit sur lui : "Le soir du sprint [où Martin avait terminé à la 6e place, NDLR], il a poussé jusqu'à regarder les commentaires de ces forums à la con, où on disait qu'il était nul, etc. Le plus fous, c'est que cela ne l'agace même pas."
Une force de caractère et une assurance qui ont fait de Martin Fourcade l'un des meilleurs biathlètes de la planète et de l'histoire, aux côtés des légendes norvégiennes Ole Einar Bjørndalen et Emil Hegle Svendsen. Alors de retour de Sotchi, pas question de faire n'importe quoi malgré deux titres olympiques et une médaille d'argent : "Ses médailles, il va les fêter mais sans non plus se mettre une grosse biture. La Coupe du monde reprend le 6 mars. Et il a une place de leader à défendre."
"Martin, mon petit frère", un entretien à retrouver avec Simon Fourcade dans son intégralité dans le "JDD" du 23 février 2014