Sur scène, il agite frénétiquement sa silhouette dégingandée dans des tenues à la fois pop, graphiques et loufoques et n'hésite pas non plus à se grimer en femme pour faire le show : maestro des temps modernes, dans son oeuvre, Stromae met un point d'honneur à brouiller les pistes et à jouer avec les codes. Mais en définitive, que sait-on de ce petit génie belge révélé par son entraînant Alors on danse et porté aux nues par son excellent deuxième opus, Racine Carrée ? Dans une interview accordée à Psychologies magazine, l'incontournable chanteur se dévoile comme jamais et laisse la place à Paul Van Haver, jeune homme de 28 ans, fruit d'une histoire familiale chargée (son père a été assassiné durant le génocide au Rwanda en 1994) et continuellement habité par le doute.
Ne vous fiez pas à ses apparences de showman sûr de lui : si sous les projecteurs, Stromae se lâche en grimaces et se tape des postures parfois peu gracieuses pour le plus grand bonheur de son public, c'est en réalité pour mieux dissimuler ses failles. "Je suis plutôt timide et introverti dans la vie, mais quand je monte sur scène, [...] je parviens à être complètement différent, assure-t-il à la publication. Je joue des personnages. Il y a bien sûr des choses personnelles minimes qui passent, mais je garde une certaine distance : je ne vis pas ce que je chante."
En un sens, tant mieux car dans Racine Carrée, Stromae aborde des sujets particulièrement profonds pour ne pas dire tabous : maladie, absence, blessures, tout y passe ou presque, sur fonds de beats souvent électrisants. Mais pour autant, le chanteur estime que son opus "n'est pas si noir que cela". "C'est parce qu'il y a des erreurs et des moments durs qu'on peut avoir des moments plus joyeux, livre-t-il. On ne va pas être heureux de perdre un proche, mais c'est parce qu'on l'a surmonté qu'on est encore plus beau."
Celui qui s'autodéfinit comme "un adolescent attardé" (il a quitté le nid familial à l'âge de 26-27 ans), fait donc preuve malgré tout d'une certaine sagesse et reste très lucide sur le tourbillon du succès qui l'a emporté depuis la parution de Racine Carrée. "Ça peut aussi vous mettre dans une fausse vie où on ne vous refuse jamais rien. Ce sont mes démons. À quel moment est-ce qu'une personne qui me parle est encore sincère ? On peut vite tomber dans la parano", raconte le chanteur, l'un des rares Belges à avoir été intronisé au prestigieux musée Grévin.
Côté carrière, c'est en effet le carton plein pour Stromae, grand favori des Victoires de la musique 2014 qui se dérouleront le 14 février prochain en direct du Zénith de Paris. Mais si tout roule pour lui, le Belge n'en est pas moins à l'abri de ses propres angoisses et redoute notamment plus que tout le passage à l'âge adulte. "C'est faire des choix. Cela veut donc dire décevoir, avoir des failles. C'est tout à fait humain mais j'ai du mal à l'admettre, confie-t-il. Je préfère ne pas choisir et que cela ne débouche sur rien parce que je n'ai pas réussi à trancher, plutôt que de décevoir." Le chanteur peut néanmoins se rassurer, la déception n'est clairement pas à l'ordre du jour.
Retrouvez l'intégralité de l'interview de Stromae dans le magazine "Psychologies", actuellement en kiosques.