Un an après la victoire de Bradley Wiggins sur les Champs-Élysées, un autre Britannique a pris possession de la plus célèbre avenue du monde ce 21 juillet. Chris Froome, lui aussi britannique, s'est imposé au terme d'un Tour de France du centenaire qui sonnait comme un renouveau après les aveux de Lance Armstrong. Pourtant, cette Grande Boucle laissera comme un goût amer dans la bouche de certains...
Et pour cause. L'an dernier simple lieutenant de Bradley Wiggins au sein de la machine de guerre Sky, Chris Froome débarquait en leader de la formation britannique suite au forfait de son coéquipier. Et très vite, le Kényan blanc comme on le surnomme, lui qui a grandi sur les hauts plateaux de ce pays fertile en champions d'athlétisme, va imposer sa griffe en écrasant la concurrence lors de la huitième étape qui mène à Ax 3 Domaines. Auteur d'une montée exceptionnelle, le cycliste réalise alors des performances meilleures que celles d'un certain Lance Armstrong.
S'il enfile le maillot jaune, il doit cependant faire face à la suspicion qui règne au sein du grand public et lui-même doit marteler qu'il est un coureur propre. Mais rien n'y fait. Ses résultats sur le contre-la-montre lors de la 11e étape puis ses victoires au sommet du mont Ventoux et à Chorges alimentent la machine à rumeurs. La domination des Sky, l'aisance avec laquelle Chris Froome maîtrise ses adversaires laissent pantois.
Mais son équipe joue la transparence et transmet toutes les données à des spécialistes. Résultat ? Des performances logiques, certes exceptionnelles, mais logiques au vu de la morphologie et des capacités de Chris Froome selon les experts. Alors ce dimanche, en franchissant la ligne d'arrivée au milieu de ses équipiers, l'Arc de Triomphe en carte postale, dans la nuit parisienne, Chris Froome avait à peine le sourire. Pas ému, le Britannique, il est comme ça.
Pourtant, lors de ses quelques mots à L'Équipe, on le sentait embarrassé, presque gêné et déçu que ses performances, lui qui avait terminé second l'an passé, ne soient pas appréciées à leur juste valeur. Et le dopage, toujours... "J'avais toujours cru que notre équipe renvoyait une image forte et propre de notre sport. Et j'ai été un peu étonné d'avoir à répondre à tant de questions sur nos résultats. Mais vu le contexte, les révélations de l'année dernière, je comprends. Je crois que n'importe quel Maillot Jaune aurait à répondre à ce genre d'interrogations", confiait-il.
Car Chris Froome veut redorer l'image du cyclisme, lui qui a pu constater que la popularité de la course n'avait rien perdu de sa superbe malgré toutes les affaires de dopage qui ont éclaté ces derniers temps. "J'aimerais montrer à travers mes résultats, qui ne seront pas rayés dans quelques années, qu'un cycliste n'est pas naturellement un dopé, qu'on peut être propre, que c'est un sport dans lequel on peut croire, expliquait le vainqueur de cette centième édition. Et que les gars qui gagnent des courses, ce n'est pas de la fiction."
Ce qui n'était pas de la fiction, c'était ce final en apothéose. Une arrivée sur Paris en soirée, presque dans la nuit. Le podium avait un parfum de renouveau, avec Christopher Froome au sommet, et ses dauphins, le colombien Nairo Quintana et l'Espagnol Joaquim Rodirguez. Vainqueur de l'étape du jour, Marcel Kittel a démontré qu'il faudrait compter avec lui sur les prochains sprints, quand Peter Sagan glanait lui le maillot du meilleur sprinteur.
Et les Français dans tout ça ? Si Christophe Riblon créa l'exploit et sauva l'honneur au sommet de l'Alpe d'Huez, la folie Thomas Voeckler qui s'était emparée du Tour l'année dernière est belle et bien passée. En retrait tout au long de ces trois semaines, les Tricolores n'auront pas été à l'honneur, malgré le maillot de super combatif du Tour attribué à Christophe Riblon.
Le Tour du Centenaire restera donc comme la première Grande Boucle qui suivit les révélations de Lance Armstrong. Un Tour marqué par l'écrasante domination de l'équipe Sky et de son leader Christopher Froome, dont la victoire finale s'accompagne de nombreuses questions sur ses performances. Un lourd héritage laissé par l'Américain Lance Armstrong qu'il sera bien difficile d'effacer, malgré la beauté de l'arrivée proposée hier soir par les organisateurs...