En juin 2005, le procès avait ému la Bretagne. Sur le banc des accusés deux parents : Pascale, 46 ans, et son mari Ronan, 45 ans, sont poursuivis devant les assises pour "privation de soins ou d'aliments suivie de mort". La justice les soupçonne d'avoir laissé mourir Kerywan, l'un de leurs enfants âgé de 16 mois.
"Il m'a fait penser à un enfant du Sahel", se remémore à la barre le Pr Auguste Le Moigne, l'ancien chef du service de pédiatrie de l'hôpital de Lorient (Morbihan) durant l'audience. C'est lui qui a décidé d'alerter le parquet suite à ses doutes sur la cause de la mort de l'enfant qui, à son décès le 12 novembre 2000, ne pesait que 6 kilos, soit le poids d'un nourrisson de 4 mois...
"Un régime alimentaire déséquilibré retentit toujours sur la quantité et la qualité du lait de la mère, explique le médecin. Je suis un grand défenseur de l'allaitement maternel, mais à partir de 4-6 mois, il faut introduire de la viande dans le régime alimentaire de l'enfant. Dans le cas de Kerywan, il est carencé à tout point de vue. Il n'est pas normal qu'à 16 mois, il ait été nourri exclusivement au sein, surtout si sa mère n'avait pas un régime équilibré." Et le praticien de conclure : "Le rôle d'une mère, c'est de s'inquiéter, tout de même ! On ne laisse pas mourir un enfant de faim."
Le jour de l'audience, un autre témoignage glace l'assistance, c'est celui d'Armelle, la soeur de Pascale. Elle est médecin, elle aussi... Et elle aussi, a décidé d'alerter la justice. "Ils se sentaient d'une telle puissance avec la kinésiologie, capables de s'affranchir de la mort, qui n'était plus une limite pour eux, je me suis demandée jusqu'où ils pouvaient aller. Oui, j'ai eu peur pour les autres enfants et j'ai donc pris la décision d'alerter le procureur."
Quel est le lien, pourrait-on se demander, entre ce tragique fait divers impliquant des parents kinésiologues et Laure Manaudou ? Il réside dans les récentes déclarations de l'ex-championne de natation, séparée de Jérémy Frérot, le père de ses fils, publiées le 20 septembre dernier dans les colonnes du magazine Femme Actuelle. Des propos qui, bien qu'ayant suscité quelques réactions indignées, sont passés relativement inaperçus, mais qui soulèvent néanmoins des questions et des inquiétudes.
Interrogée par nos confrères sur ses projets, l'ex-nageuse de 38 ans a confié vouloir se mettre au service des autres. "J'ai terminé mon cursus en kinésiologie, j'ai validé mes 600 heures de stage, il ne me reste plus qu'à passer la certification", révèle-t-elle.
Selon le magazine, la mère de trois enfants, une tribu qu'elle montre très rarement, prévoit de débuter cette nouvelle profession prochainement. "C'est quelque chose que j'aime faire", déclare-t-elle à Femme Actuelle. "Comment gérer en groupe, comment aider les personnes psychologiquement est quelque chose qui me passionne", ajoute la soeur de Florent Manaudou, prête à se lancer dans cette "nouvelle approche thérapeutique", lit-on dans l'hebdomadaire.
Une nouvelle approche thérapeutique ? Pas vraiment. Selon le site de la Miviludes (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires), qui lui consacre un long paragraphe, la kinésiologie est une méthode thérapeutique inspirée de la médecine chinoise, fondée dans les années 1960 par un chiropracteur américain. Cette technique psycho-corporelle, explique ce site édité par le ministère de l'Intérieur, utilise un test musculaire de communication sur le plan physique et émotionnel.
Proposée à tous les âges et à tous les publics, elle permettrait aux usagers d'optimiser leurs "ressources personnelles" avec l'aide d'un thérapeute, et de parvenir à l'auto-guérison des difficultés existentielles et des maladies. Le site de la Miviludes poursuit en expliquant que cette mouvance est née dans le sillage du New Age, et que ses adeptes prônent, de manière plus ou moins radicale, une rupture avec des habitudes de vie jugées néfastes, au profit de choix naturels et authentiques comme l'alimentation biologique, les médecines douces, les thérapies non médicamenteuses ou encore l'écologie.
"Laure Manaudou, dans une secte ?" s'interrogeait abruptement le site Sports.fr il y a quelques jours, en titre d'un article consacré à cette information. La réponse n'est pas évidente. Les observateurs de la Miviludes concluent en effet que "la radicalisation de certains adeptes de cette mouvance a conduit à des dérives à caractère sectaire". Ils évoquent notamment l'affaire de Quimper pour illustrer ces possibles dérives.
Reste que l'information a provoqué des réaction. Le 26 septembre dernier, sur X, dans une série de tweets consacrés à cette nouvelle concernant Maure Manaudou, un médecin, Jean-Jacques Fraslin notait : "la pratique de la kinésiologie "est particulièrement sujette à caution". Les différentes formations ne sont d'ailleurs pas reconnues par l'Etat et la kinésiologie est pour l'heure considérée comme une pseudoscience. (...) Un rapport publié par l'INSERM en 2017 affirme par ailleurs que la kinésiologie " n'avait pas fait à ce jour la preuve de son efficacité"."
Cette étude de l'Inserm consultable sur le web conclut en effet que "ni la kinésiologie appliquée professionnelle ni la kinésiologie énergétique n'ont à ce jour fait la preuve de leur efficacité, et le test musculaire manuel sur lequel elles reposent n'a pas démontré sa reproductibilité ni sa validité diagnostique. Les données en termes de sécurité sont insuffisantes, et des risques potentiels ont été soulignés, liés notamment au positionnement du praticien et au risque de mise sous emprise."
Dans les commentaires, sous le post du médecin, Laurence Coiffard, docteur en pharmacie et professeur à l'université de Nantes va plus loin et commente ainsi la nouvelle : "Ou comment une athlète de haut niveau verse dans le charlatanisme... quelle tristesse !".
Autre réaction sur le même réseau social, celle de l'Association de Défense des Familles et de l'Individu victimes de sectes en Alsace et Grand Est qui écrit : "Laure Manaudou est désormais kinésiologue, avec un diplôme non reconnu, obtenu en quelques mois sur des bases peu claires."
Pourquoi Laure Manaudou s'est-elle lancée dans ce projet ? Fait-il suite à la dépression qu'elle avait révélée dans Brut en 2022, dans laquelle elle avait été plongée un an durant, après la naissance de son troisième enfant, dont on ignore toujours le prénom ? Quelles que soient les motivations de l'athlète, force est de constater que certains la voient désormais nager en eaux troubles... À l'heure où nous écrivions cet article, Laure Manaudou n'avait pas donné suite à ces réactions issues du corps médical.