Depuis que le communiqué est tombé annonçant ta mort, les hommages pleuvent. Tu étais un "type bien" , l'"âme de Paris Match auquel tu as consacré tout ton talent", un "grand journaliste", "un confrère de grande classe", un "gentleman journaliste"... Bien sûr, tu étais tout cela. Mais tu étais avant tout mon ami. Mon ami de vingt ans. Et même si je ne te l'ai jamais dit, je sais que tu l'as deviné : il n'y a pas beaucoup d'amitiés qui me rendent si
fière que celle dont tu m'as honorée.
Tu avais l'habitude de dire : "A Match, tout commence par une photo"... Et des photos entre nous, il y en a eu des centaines.
Quand tu voyais une bonne image, une bonne "série", quand tu flairais un scoop, ton oeil frisait. Dans mon langage imagé, un peu éloigné du tien le grand patron de presse toujours si élégant, je te racontais mes coups... tu riais tellement ! Tu me questionnais, tu demandais des détails, tu voulais tout savoir, même si tout n'était pas publiable !
On s'en est fait des diners, dis Olivier... Il y a nos diners de bord de mer quand nous nous échappions pendant le festival de Cannes. Et puis ces repas avalés à la va vite pendant cette improbable campagne présidentielle de 2016/2017 qui nous a encore plus rapprochés avec Jaco et Seb. Je vous vois encore Delphine et toi, couple discret et ému dans un coin du bureau d'En Marche, à 20 heures, quand Emmanuel Macron a été élu président.
La politique te faisait vibrer. Quand tu parlais des événements de ce monde, ton analyse était exceptionnelle. Toi le fou d'Amérique et de Kennedy, qui a longtemps tenu pour Match, le poste de correspond aux US, te rappelles tu la joie de Donald Trump quand il t'a croisé à nouveau le 13 juillet 2017 pendant une visite privée aux Invalides, une fois devenu Président des Etats-Unis ?
Tu aurais pu t'en glorifier de tes accès directs aux grands de ce monde mais tu n'en as rien dit. Tu n'avais pas besoin de ça. Le tout Paris était à tes pieds ou plutôt le tout Paris n'avait pas besoin de cela pour te respecter. Fin septembre, lors de notre dernier déjeuner au Stresa, tout ce qui compte dans le Landerneau de la politique et du show biz était d'ailleurs venu te saluer.
Je ne crois pas qu'ils faisaient semblant, ils étaient vraiment contents de te voir : à ce moment-là, tu n'en faisais déjà plus tellement des sorties publiques... Je me rappelle que tu fourmillais de projets... On faisait semblant d'y croire, toi et moi.
Pas une seule fois pendant cette putain de maladie, je ne t'ai entendu te plaindre. Pas une seule fois. Et pourtant les examens, les hospitalisations à répétition t'épuisaient. Malgré ta grande fatigue, tu as tenu à faire seul, les cent kilométres pour venir au fort de Brégançon quand Emmanuel et Brigitte Macron t'ont ouvert les portes pour Paris-Match, fin août 2020. Ton dernier entretien à été avec Barack Obama. Je relis sans fin tous tes SMS " Tu as eu le journal ? Elle est belle la couv non ? C'est un bon numéro ". Le dernier est du vendredi 11 décembre " Je retourne à l'hôpital, je vais y rester quelques jours pour me requinquer. Je pense à toi, tu me manques. Je t'embrasse fort".
Tu as toujours été si digne, si réservé... Droit toujours, et dans tous les sens du terme, le regard direct derrière tes lunettes cerclées et la tête haute. Quand tu venais au journal, tu étais en costume cravate. Et tu tenais à y venir le plus souvent possible. La semaine dernière encore, tu jetais un oeil sur le chemin de fer, choisissais les sujets. Match, c'était ta vie. Les hommages sur Twitter disent vrai : tu étais l'âme de ce grand magazine auquel tu as donné 35 ans de ton existence. Tu y étais viscéralement attaché.
Emmanuel et Brigitte Macron, qui ont pris de tes nouvelles jusqu'à la fin, t'ont rendu un bel hommage.
Et puis, il y a cette autre vie dont tu parlais si peu, ta famille. Je me souviens de ta fierté quand ta fille Hermine a fait le bal des débutantes. Une beauté, ta fille ! Sous les ors de l'hôtel Peninsula, avec ton épouse Delphine, tu avais été si fier de poser à ses cotés ! Tant pis si la formule est facile mais ta famille était ton équilibre, ton havre de paix. Je me souviens d'un déjeuner pére-fils avec Benjamin, de cette complicité entre vous deux, de tes gestes affectueux.
C'est à Hermine, Delphine, Benjamin, c'est à eux trois que je pense aujourd'hui. Tu es mort si jeune. Les années qui s'annonçaient auraient pu être un peu plus les leurs.
Adieu mon ami Olivier... tu vas me manquer pour l'éternité.
Ton amie
M.M.