L'âme de son fils Alexis, mort dans l'accident d'hélicoptères survenu le 9 mars dernier lors du tournage du jeu d'aventure Dropped, est restée en Argentine ; son corps lui reviendra, en même temps que ceux des sept autres victimes françaises, dimanche matin (22 mars 2015) à l'aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle, dans un cercueil. Alain Vastine accuse le coup, sa femme a perdu dix kilos en quinze jours... L'entraîneur de boxe et son épouse, accablés par le sort, contraints d'enterrer un deuxième enfant en deux mois, s'en remettront-ils un jour ? Avec bravoure et lucidité, il s'est confié à RTL, évoquant dans un entretien exhaustif et bouleversant avec Bernard Poirette l'arrivée de la dépouille de son fils, ses obsèques qui auront lieu mercredi prochain, l'attitude d'Adventure Line Production depuis la tragédie ou encore son désir de voir le premier épisode de Dropped diffusé...
Pont-Audemer se prépare à enterrer l'enfant du pays
"On va nous emmener à Paris. La venue de son corps sera à 11 heures du matin, j'en saurai plus sur place", explique le père endeuillé, déjà ébranlé en janvier par la disparition de sa fille Célie, tuée dans un accident de la route à l'âge de 21 ans. Aux obsèques d'Alexis Vastine, qui se dérouleront mercredi à 15 heures à Pont-Audemer, commune du Calvados où vit la famille Vastine et où l'émotion - que certains individus mal intentionnés n'hésitent pas à exploiter - est immense, Alain veut voir du monde : "Sa famille sera là, les sportifs, parce que c'était sa deuxième famille, l'armée, et tous les gens qui l'ont soutenu, que je remercie énormément. Vous savez, je ne peux que remercier les gens qui nous ont soutenu dans les moments difficiles. Je ne les oublierai jamais." Il a été entendu : "De nombreux membres des équipes de France assisteront aux obsèques, a assuré l'entraîneur national John Dovi. Ainsi que les anciens, comme Khedafi Djelkhir et Daouda Sow, médaillés comme lui en 2008. Un car partira de l'Insep."
La voix posée mais assourdie par une insondable détresse, Alain Vastine, interrogé sur la manière dont sa famille parvient à tenir le coup, laisse entrevoir le calvaire moral que son épouse et lui vivent actuellement : "Moi, je me débrouille tout seul. Ma femme [Sylvie] est suivie un peu, parce qu'avec le décès de ma première fille et le deuxième, elle a perdu presque dix kilos. Moi, c'est intérieur. Je ne le fais pas voir mais je souffre énormément quand je suis tout seul. J'ai mal. J'ai mal. Perdre deux enfants en deux mois, c'est ce qui a de plus terrible pour une famille. Surtout, on était une famille supersoudée. C'est très, très dur..."
Malgré la douleur, Alain, qui entraîne les jeunes boxeurs de Pont-Audemer, Adriani, son fils de 30 ans qui brille lui aussi (3e aux championnats d'Europe 2011) dans la discipline de prédilection de la famille, et Cindy, 32 ans, veulent que la vie conserve ses droits, et n'ont pas renoncer à leurs actualités sportives. Tandis que Philippe Candeloro, candidat "rescapé" de Dropped, est parti pour commenter à Shanghai les championnats du monde de patinage, tiraillé entre deuil et désir d'oubli, les Vastine mènent eux aussi les deux combats de front, celui de la mort et celui de la vie : "Justement, je n'ai pas voulu qu'on reporte les matchs de boxe de Pont-Audemer, ce sera une super image. C'est pour leur frère et leur soeur qu'on fait ça, pour leur rendre hommage. On a voulu maintenir le gala de boxe du 5 juin pour tout ça. J'irai comme d'habitude tous les jours sur la tombe. Il n'y a plus que ça... Moi, ce qui me raccroche à la vie, c'est que j'espère qu'ils sont au ciel, au Paradis. Sa mère, les enfants, il ne me reste plus que ça."
"Je dois aller le voir là-bas"
Comme d'autres familles des huit victimes françaises de l'accident fatal survenu dans la province argentine de la Rioja, et notamment celle de la journaliste Lucie Mei-Dalby, Alain Vastine s'est épanché sur le manque de soutien que les siens ont ressenti de la part de la société de production, Adventure Line Production. Malgré les explications de Franck Firmin-Guion, président d'ALP, à ce sujet, le père éploré confirme s'être senti "abandonné" : "Au début, on était livrés à nous-mêmes. Ce n'est pas normal. Ils auraient pu nous appeler tous les soirs et nous tenir au courant. Ils commencent à bouger, maintenant que les corps reviennent. Je voulais aller là-bas, on m'a dit oui au début, puis non, après oui, après non. Là, on me propose d'aller là-bas, mais comme le corps de mon fils revient, j'irai plus tard. Il faut que j'organise son enterrement." Il exprime aussi son désir de se rendre sur place, voyage qu'ALP s'est engagée à mettre en oeuvre et à financer, pour tous les proches qui le souhaiteront. "Je veux aller là-bas parce que, pour moi, qui suis croyant - même si parfois on se demande si Dieu existe -, son âme est restée sur place. Il faut que j'aille y porter un cierge, je prendrai ce qu'il faut, des photos, je dois aller le voir là-bas", confie Alain Vastine.
Concernant la polémique et les interrogations entourant les conditions de sécurité et les circonstances de l'accident qui ont vu les deux hélicoptères affrétés par la production entrer en collision et se crasher, l'homme reste réservé, sans exclure de déposer plainte contre ALP, "s'il le faut". Il semble d'ailleurs partager l'avis "expert" d'Hubert Arthaud, frère de Florence Arthaud, également tuée en Argentine (et dont les obsèques auront lieu le 30 mars), et ancien pilote privé, qu'il a eu au téléphone et qui a tenu sur BFMTV des propos à charge en matière de responsabilités...
Diffuser le premier épisode de Dropped ? "Oh j'aimerais bien, oui. Pourquoi il n'y aurait que nous ?"
Bernard Poirette oriente alors l'entretien vers une question très délicate, qui ne manquera pas de faire débat : l'éventuelle mise à disposition, voire la diffusion des images déjà tournées de Dropped. Sur ce point Alain Vastine n'hésite pas : "Oui, pour voir mon fils, s'il était heureux, s'il était épanoui, cent fois oui. Oh j'aimerais bien, oui [voir le premier épisode]. Oui, tout à fait. [A propos d'une diffusion par TF1] Pourquoi il n'y aurait que nous ? Si ça peut profiter aux gens qui aimaient tous ces sportifs. Je suis pour."
Un sourire amer poind dans la voix d'Alain Vastine quand, pour finir, il évoque ce qui devait être le prochain grand défi d'Alexis : les Jeux olympiques de Rio 2016. Spolié aux JO de 2008 et 2012, le boxeur maudit, après s'être extirpé du marasme psychologique engendré par ces désillusions, s'était remis à s'entraîner dur. L'avenir s'annonçait prometteur. "C'était un dieu, c'était un grand champion, Alexis", contemple encore son papa... A lui comme à ses proches, la rédaction de Purepeople souhaite exprimer tout son soutien.
NB : Une collecte a été mise en place par les boxeurs Tony Yoka et Estelle Mossely, qui ont connu Alexis à l'Insep, pour "participer aux obsèques ou faire un geste pour cette famille". Pour ceux qui souhaitent participer à cette collecte (ouverte jusqu'au 15 avril), rendez-vous sur le site Pot commun en ligne.