Connue pour ses talents de comédienne, qu'elle met au service de son bien-aimé Robert Guédiguian depuis le premier de ses films il y a tout juste trente ans (Dernier été), Ariane Ascaride, 55 ans, livre à son tour son regard de réalisatrice en même temps qu'une conception de la vie et de la société modernes, au travers d'une première fiction produite avec et pour France 2 (date de diffusion non communiquée).
Muse de Guédiguian césarisée et starisée pour son rôle dans Marius et Jeannette, la Marseillaise a réalisé, pour son coup d'essai, Ceux qui aiment la France, une fiction retenue au sein d'une collection de onze films baptisée Histoires de vies à destination d'une "nouvelle case innovante de 2e partie de soirée", et initiée par la chaîne du service public, qui a voulu en faire "un espace de liberté créative affranchi des codes habituels du prime time et un espace dédié aux jeunes auteurs issus de tous les milieux de la création".
Dans Ceux qui aiment la France, fiction réalisée d'après un scénario signé Baya Kasmi (déjà scénariste de Le Nom des gens, de Michel Leclerc), Ariane Asacaride, par ailleurs membre du comité de parrainage de la Coordination française pour la Décennie de la culture de paix et de non-violence, met en scène une vision de la République française, par le prisme du regard d'un enfant arabe : "Amina, 11 ans, déteste les Arabes. Elle se sent profondément française et voue un véritable culte à la France. Mais voilà : Amina est elle-même arabe et va apprendre que la France, elle, ne l'aime pas..." Le résumé proposé par la production est plus subtil et plus bouleversant :
"Cher Dieu,
Je m'appelle Amina et j'ai 11 ans et demi.
Je ne crois pas en toi mais je dois parler à quelqu'un, parce qu'à force de me taire, je ne dors plus la nuit. J'ai des sueurs.
Je ne sais pas comment c'est venu. Je me déteste, mais rien n'y fait, ça continue.
J'aime pas les arabes.
J'aime pas les arabes, sauf ma famille. Et encore, seulement mes parents, et mes trois frères. C'est tout.
Les autres je les déteste. Je ne les supporte pas.
Je suis raciste.
Je trahis mon père et ma mère. Je suis une honte pour l'humanité. Je mérite de mourir...Mais je ne meurs pas, ce qui est peut-être une preuve que tu n'existes pas."
Du côté de la distribution, on trouve notamment Karole Rocher (Braquo) et Lyes Salem (Masacarades).
Evoquant cette première expérience de l'autre côté de la caméra, Ariane Ascaride raconte la genèse du projet : "L'histoire commence en fait avec Le Voyage en Arménie de Robert Guédiguian. J'avais coécrit le scénario avec Marie Desplechin et cette expérience avait surtout fait naître en moi l'envie d'écrire d'autres scénarios de films. Mais de là à les réaliser ? Ça restait une idée assez inavouée, que je laissais là dans un coin de ma tête. Pourquoi pas ? Il faudrait que j'essaie... Un jour peut-être... Et voilà qu'arrivent la productrice Catherine Ruault et la scénariste Baya Kasmi avec le synopsis de Ceux qui aiment la France. Mon agent avait joué les intermédiaires en suggérant mon nom pour la réalisation. J'ai juste fait une proposition : que l'on aborde cette histoire comme un conte. On s'est mises toutes les trois d'accord sur ce principe et Baya a écrit le scénario. Voilà comment je me suis retrouvée à réaliser mon premier film."
Et de détailler le coeur du motif à l'oeuvre dans Ceux qui aiment la France : "Par rapport à ces questions de sans papiers, d'exclusion, d'immigration et d'identité – toutes ces questions dont les téléspectateurs entendent parler quotidiennement, et frontalement, aux informations –, le conte me permettait de faire entendre une musique différente. Imaginons que vous vous mettiez à chanter Au clair de la lune. A priori, on connaît par coeur ! Mais si vous changez la tessiture ou le tempo, ça devient une autre chanson ; et, d'un coup, tout le monde s'intéresse : "Tiens, qu'est-ce que c'est ?" Dans Ceux qui aiment la France, tout est volontairement joli et coloré. Mais, peu à peu, le film glisse jusqu'à son dénouement dans le gris d'un centre de rétention... C'est un conte, certes, mais un conte qui finit mal. Et ça, ça m'intéressait ! Cette petite fille, avec ses revendications, sa naïveté, son entêtement enfantins, a quelque chose de crispant. Et puis, quand arrive la fin, on relit soudain toute son histoire. Et toute la perception du film en est changée."
On retrouvera ensuite Ariane Ascaride à l'écran dans Mauvais jours, un film de Pascale Bailly (Dieu est grand, je suis toute petite) qui la voit tenir le rôle d'une femme tombée dans la précarité et qui le cache à ses proches. Un sujet d'une actualité tout aussi brûlante.