Hollywood, voix de la révolte ? Après les Golden Globes, marqués par le discours bouleversant de Meryl Streep, les SAG (Screen Actors Guild) Awards 2017 ont également été marqués par une forte dimension politique. En ligne de mire, Donald Trump et son décret anti-immigration fraîchement signé visant à interdire l'entrée sur le territoire américain des citoyens irakiens, iraniens, libyens, somaliens, soudanais, syriens ou yéménites, même s'ils habitent légalement aux États-Unis...
Ashton Kutcher, qui était invité à ouvrir la 23e cérémonie, a donné le ton en se faisant incisif d'entrée. "Bienvenue aux acteurs, aux téléspectateurs et aux gens détenus dans des aéroports dont la place se trouve dans mon Amérique", a lâché l'acteur devenu rare lors d'événements publics comme celui-ci. "Vous faites partie de qui nous sommes, de notre tissu social, et nous vous aimons, nous vous accueillons", a-t-il déclaré sous les vivats du Shrine Auditorium.
Sur Twitter dans la soirée, Ashton Kutcher a poursuivi sa diatribe engagée. "Ma femme est arrivée dans ce pays avec un visa de réfugiée au milieu de la Guerre froide. Je bouillonne de rage en ce moment !", a confié l'acteur de L'Effet papillon, en référence aux origines ukrainiennes de son épouse, Mila Kunis. "Nous n'avons jamais été un pays construit sur la peur. La compassion fait partie des racines de l'Amérique. Nos différences sont fondamentales pour notre survie", a-t-il clamé.
Tout au long de la soirée, plusieurs voix se sont élevées en ce sens. Juste après le discours d'ouverture, Kerry Washington a embrayé : "Beaucoup de gens disent que les acteurs ne devraient pas parler de leurs opinions politiques. Mais les acteurs sont des activistes quoi qu'il en soit car nous incarnons la valeur et l'humanité de tout le monde."
Quelques minutes plus tôt, sur le tapis rouge de la cérémonie, l'acteur Simon Helberg (The Big Bang Theory), tenait une pancarte "Refugees Welcome". À ses côtés, Jocelyn Town affichait à même sa peau "Let them in", "laissez-les entrer".
Auréolé du prix du meilleur acteur dans un second rôle pour sa performance dans Moonlight, Mahershala Ali a quant à lui signé le plus beau discours de remerciements de la soirée. "En travaillant sur Moonlight, j'ai appris ce qui se passe quand on persécute les gens. Ils se replient sur eux-mêmes, a-t-il expliqué à l'assistance. Et j'étais très heureux de pouvoir interpréter Juan, un homme qui a vu un jeune homme se replier sur lui-même à cause de la persécution de sa communauté. Il a saisi l'occasion de le soutenir, de lui dire qu'il comptait, qu'il était normal et de l'accepter, et j'espère que c'est ce que nous ferons encore mieux à ce propos." La voix tremblante, l'acteur notamment croisé dans House of Cards a évoqué son cas personnel : "Ma mère est une pasteur ordonnée. Je suis un musulman. Elle n'a pas fait des bonds quand je lui ai dit que j'allais me convertir à 17 ans, raconte-t-il. Mais je suis capable de la voir comme elle est, elle me voit comme je suis, nous nous aimons et tout cela n'est que détails."
Nous passerons outre les menteurs et nous chasserons les monstres
D'immigration, il en était également question pour David Harbour, l'un des acteurs de Stranger Things montés à la tribune pour recevoir le prix du meilleur cast pour une série dramatique. "Nous donnerons un refuge aux gens bizarres et aux exclus, et à ceux qui n'ont pas de toit, nous passerons outre les menteurs et nous chasserons les monstres", a-t-il déclaré, le poing serré, aux côtés de Winona Ryder. Idem pour Julia Louis-Dreyfus, une fille d'immigrés juifs. "Mon père a fui la persécution religieuse dans la France occupée par les Nazis, a confié l'actrice primée pour la série Veep. Je suis une Américaine patriote et j'aime ce pays. Et parce que j'aime ce pays, ce qui le souille m'horrifie. Ce décret sur l'immigration est une tache, contraire aux valeurs de l'Amérique."
Enfin, honoré pour avoir campé le président Lyndon Johnson dans la mini-série All the Way, Bryan Cranston s'est demandé ce que son personnage dirait à Donald Trump s'il le croisait. "Il lui souhaiterait d'être couronné de succès. Et surtout, il lui murmurerait à l'oreille quelque chose qu'il disait souvent, aussi bien en tant qu'encouragement que comme une mise en garde : 'Ne pisse pas dans la soupe que nous nous apprêtons à manger.'"