Quatre ans après la parution de son dernier opus, Vengeance, Benjamin Biolay signe enfin son retour sur le devant de la scène musicale avec la publication de son septième album studio, Palermo Hollywood (disponible à partir du 22 avril). À l'occasion de cette sortie, le magazine L'Obs a décidé de lui rendre hommage en dressant un portrait intimiste dans lequel de nombreux proches ont accepté d'intervenir pour partager leur témoignage et leurs souvenirs de collaboration.
Évoquant un artiste accompli à la personnalité "poétique" et "destroy", l'ancien directeur de promotion du label Virgin, Marc Maréchal, est notamment revenu sur les débuts remarqués de l'auteur-compositeur français, qui s'était fait connaître en 2001 avec Rose Kennedy. Un album "haut de gamme" et "triste à souhait" porté par un premier single "anti-commercial" ("les Cerfs-volants"), comme le justifie aujourd'hui Benjamin Biolay. "Si j'avais commencé par un tube, je me serais fait baiser, j'aurais été obligé de refaire à vie ce qu'on attendait de moi. Je préfère donc sortir un futur classique, même un mini-classique, dans le style que je vais développer. Je prends mon temps", lance-t-il.
Je savais que les gens se demanderaient qui était ce merdeux qui insultait Salvador.
Brut de décoffrage et bien déterminé à "ne tolérer aucune pression ni aucune autorité" sur son processus de création, l'interprète de 43 ans a par la suite collaboré avec les plus grandes pointures de l'industrie musicale. De Charles Trenet à Juliette Gréco, en passant par Isabelle Boulay et Julien Clerc, tout le monde se l'est arraché. Dans sa lancée, il avait également permis à Henri Salvador de renouer avec le triomphe en 2000 avec la sortie de l'album "Chambre avec vue", écrit à quatre mains avec Keren Ann. Une collaboration qui avait fini par mener le binôme au clash. "On cosignait tout avec Keren Ann, mais je faisais l'essentiel du travail. Grâce à moi, il a renoué durablement avec le succès, mais au lieu de me remercier, il m'a cassé les couilles. J'ai répliqué en le traitant de gros connard. Je savais que les gens se demanderaient qui était ce merdeux qui insultait Salvador. Mais c'était le seul moyen de faire comprendre que j'étais l'auteur des chansons. Et puis je me suis fait des amis dans la profession : personne ne pouvait le blairer", ajoute Benjamin Biolay. Une brouille qui ne l'avait toutefois pas empêché de produire un album posthume, Tant de temps (sorti en 2012), pour lui rendre hommage, quatre ans après la mort d'Henri Salvador.
Artiste incontournable plébiscité pour ses talents de compositeur et d'arrangeur, le chanteur de La Superbe fascine autant qu'il agace, étant malheureusement mal vu par certains de ses confrères. Une façade que défendent ses proches, à commencer par Chiara Mastroianni, mère de sa fille Anna (13 ans), avec laquelle il a été marié de 2002 à 2009. "Il est perçu comme arrogant, alors qu'il est timide. Ça m'a longtemps fait souffrir, mais il n'y a rien à changer : pas question de se laisser dicter quoi que ce soit", confie l'actrice. Et cela vaut aussi pour le grand chapitre Vanessa Paradis qui s'est ouvert après l'album Vengeance : que la presse à scandale n'ait "raconté que de la me***", comme s'insurge Planelle, n'a pas contrarié la parenthèse enchantée des Love Songs que Biolay a écrites pour elle et a jouées avec elle en tournée, "passant sur scène du trombone au piano et de la guitare au violon".
On reproche à Benjamin Biolay ses retards, ses vannes et même ses fugues improvisées, mais son incroyable ingéniosité finit par tout faire pardonner. "J'ai aussi tendance à disparaître, si bien que je nous vois comme deux taupes dans des souterrains qui savent toujours où trouver l'autre", ajoute Chiara Mastroianni. Et de conclure en évoquant son processus de création, un style tellement unique qu'il bluffe chacun de ses collaborateurs : "Il passe des nuits entières à penser et repenser l'ordre des chansons et des disques à venir. C'est son côté Shining, il est comme Jack Nicholson devant sa machine à écrire, qui tape la même phrase à l'infini."