Bien qu'elle n'en ait pas été à l'origine, la ministre de la Culture Aurélie Filippetti était indéniablement ravie de reprendre le flambeau de son prédécesseur Frédéric Mitterrand et de décerner mercredi soir les décorations que celui-ci avait décidé du temps où il était pensionnaire de la rue de Valois.
Face à un Benjamin Biolay toujours relativement effarouché dans ces circonstances mondaines ou officielles, la ministre a salué avec un large sourire un "enfant prodige et terrible de la chanson française" au moment de le faire officier dans l'ordre des Arts et des Lettres lors d'une réception au ministère. Intimidé par les honneurs et comme exposé à nu quand il n'est pas assis au piano, Biolay a écouté le portrait bref mais enflammé qu'Aurélie Filippetti a brossé de son art : "Vif, ténébreux, tourmenté, tel qu'on aime à vous décrire, vous êtes surtout pour moi cet artiste qui manie 'l'art si difficile d'être sincère sans ridicule' pour le dire comme Baudelaire. (...) Loin de la dérision et de l'ironie de bon ton, vous délivrez une vérité parfois rugueuse, acerbe, cinglante, qui souvent trouble et dérange, mais qui va droit au coeur." Des paroles de fan que le héros du jour et de la nation, fait chevalier du même ordre en 2004 et élevé au rang d'officier en 2010, a récompensées d'une chanson en live, s'installant au piano dans les salons de la rue de Valois.
Benjamin Biolay, qui prépare la sortie le 5 novembre prochain de son nouvel album, Vengeance, émaillé de duos alléchants (avec Vanessa Paradis, Oxmo Puccino, Orelsan, Carl Barât, Julia Stone...), était bien entouré lors de cette cérémonie. Au cours de la même session, Serge Toubiana, directeur de la Cinémathèque, a été fait commandeur des Arts et Lettres, en présence du cinéaste Costa-Gavras, président de l'institution dévolue au septième art. Cette fois, la ministre n'a pas paraphrasé Baudelaire mais Alain Resnais pour faire l'éloge de rigueur.
Le couturier Valentino, "maître incontesté de la haute couture italienne", a lui aussi été élevé au grade de commandeur dans l'ordre des Arts et Lettres. Aurélie Filippetti a pris un plaisir évident à "rappeler les débuts à Paris du couturier, jeune lauréat du concours du Secrétariat de la laine, élève de l'école de la Chambre syndicale de la couture et assistant dès 1952 de la maison Jean Dessès, avant de rejoindre Guy Laroche cinq ans plus tard" et de fonder sa propre maison de couture en 1959 à Rome, comme rapporté par l'AFP. Agé de 80 ans et retiré du monde de la mode depuis 2007, Valentino Gavarani a eu droit lui aussi à son concert de louanges : "Ambassadeur incontesté de l'élégance à l'italienne, prodige de la forme et coloriste consacré, vous avez su marier modernité, classicisme et romanticisme comme peu d'autres avant vous, déployant ce rouge inimitable, le 'rouge Valentino', vif, ardent et flamboyant, en étendard de votre dextérité."