Bernard Tapie et le FN, c'est une longue histoire. Sa mort le 3 octobre 2021 des suites du cancer braque de nouveau les projecteurs sur son parcours de vie et notamment son combat contre le Front national, qu'il n'a pas peur d'affronter en 1989 à la télévision sur TF1 et en direct, sur le thème de l'immigration. Celui qui est alors député des Bouches-du-Rhône, est face à Jean-Marie Le Pen. A l'origine, l'émission de Patrick Poivre d'Arvor devait accueillir les principaux leaders des formations politiques de l'époque (PS, PC, RPR, UDF), mais, informés que le leader du FN serait présent, tous se désistent. Un débat difficile à mettre en place mais qui sera un record d'audience.
"Vous êtes un matamore, un tartarin, un bluffeur et nous attendons de voir, à part quelques onomatopées que vous lancez sur les écrans, ce que vous êtes capable de faire dans la politique", assène le patron du Front national.
- "C'est pas parce que vous êtes une grande gueule et que vous criez fort que ce que vous dites est vrai", rétorque le député non-inscrit de Marseille et tête de liste du mouvement des radicaux de gauche.
Autre échange musclé qui fait néanmoins sourire des invités :
- "Ne me menacez pas, Monsieur Tapie, il vous en cuirait !"
- "Parce que vous avez vos gardes du corps ?"
- "Non! Moi, moi !"
- "Ah ah ah, le rigolo ! Enfin, regardez-vous !"
Alors que TF1 a présenté Bernard Tapie comme "représentant de la majorité présidentielle" (derrière François Mitterrand), le PS a fait savoir qu'il s'exprimerait "en son nom personnel", rappelle l'AFP.
"85% des gens vous détestent", Le Pen qui se moque de celui qui "rachète des entreprises 1 franc."
Ce à quoi Tapie répond :
- "C'est mieux que d'hériter."
Après l'émission, dans sa loge, Jean-Marie Le Pen dit: "Vous croyez qu'il m'aurait cassé la gueule ? Il a du culot quand même !"
Grandes gueules de la politique, Bernard Tapie et Jean-Marie Le Pen se retrouvent en 1994, sur Antenne 2/France 2 cette fois, dans le cadre de la campagne des élections européennes, face à Paul Amar. L'AFP se souvient : "Ils sont restés courtois bien que s'interrompant constamment, le premier défendant l'utilité de l'Europe et le second s'employant à démontrer ses dangers."
Mais si le duel est intense, on se remémorera aussi du présentateur Paul Amar sortant d'un sac des gants de boxe et des casques : "La politique, c'est sérieux", lance Bernard Tapie. Si Jean-Marie Le Pen ne s'offusque pas plus, le CSA et l'ensemble des mondes politique et audiovisuel est choqué : "Elle a coûté sa place au journaliste", rappelle l'AFP.
Quatre années auparavant, Bernard Tapie avait déjà clamé sur Antenne 2 devant Alain Duhamel dans L'Heure de vérité : "On ne peut plus laisser le monopole du drapeau français à Le Pen. Je ne connais pas un homme au monde qui dit autant de mal de la France."
A l'annonce de sa mort, le père de Marine Le Pen a réagi via son compte Twitter à la disparition de son ennemi politique de toujours : "On a parlé et on parle encore des "années Tapie", c'est dire le caractère exceptionnel de sa personnalité, je salue sa mémoire."
La fille du politique et chef du Rassemblement national a également souhaité réagir à la mort de Bernard Tapie, car sa disparition a eu une influence directe sur elle : "En raison du décès de Bernard Tapie, l'émission #BFMPolitique prévue ce jour sur BFMTV est annulée et sera reprogrammée. Toutes mes condoléances à la famille du défunt."
Une situation ironique qui n'aura pas manqué d'être relevée par les observateurs sur Twitter. Jusqu'au bout, Bernard Tapie aura réussi à faire vaciller les influents Le Pen, père mais aussi fille ! La journaliste Pascale Clark republiera ce tweet en ajoutant cette mention : "Jusqu'au bout, Bernard #Tapie aura lutté contre le #FN."
Bernard Tapie, viscéralement anti-FN, se serait rendu dans un meeting du Front national à Orange en 1992. France Culture revient sur cet événement : "Bruno Gollnish apprend que Bernard Tapie est dans la salle et lui propose de venir s'exprimer à la tribune. Celui-ci s'exécute et il fait un discours qui surprend tout le monde : 'Les immigrés, dit-il, il faut tous les mettre dans des bateaux'. Il est acclamé par la salle. Et 'quand ils sont assez loin, on les coule'. Nouvelles acclamations. Bernard Tapie change alors de ton : 'J'ai parlé d'un massacre, d'un génocide, les sermonne-t-il, et vous avez applaudi. Demain matin, quand vous vous regarderez dans la glace, gerbez-vous dessus'." Son ami Jean-Louis Borloo, invité de Bourdin direct sur RMC ce 4 octobre 2021 ne confirmera pas que cette scène ait bien eu lieu et que ces propos aient bien été tenus, mais l'avocat et ancien ministre admet que ces paroles reflètent son état d'esprit.
Lors d'un autre meeting, pas du FN mais devant son parti, Bernard Tapie aurait clamé contre le front national : "C'est parce qu'on déculpabilise ceux qui se trouvent une bonne raison qu'on a un Front national si fort. Car si Le Pen est un salaud, ceux qui votent pour eux (lui) sont des salauds."