A en croire Challenges, Bernard Tapie faisait encore partie l'an dernier des 500 plus grosses fortunes de France mais impossible de chiffrer précisément ce qu'il possède sur son compte en banque. Il a gagné des millions, a été placé en faillite - ses écoles de commerce ont fermé leurs portes - puis a rebondi. Au coeur de diverses affaires judiciaires, il a aussi tour à tour reçu des millions d'euros (404 millions en 2008) de dédommagements... jusqu'à se faire couper l'électricité dans son hôtel particulier de Paris en 2020 ! Pour Le Point, il s'exprime sur sa fortune cumulée au cours de sa vie.
A 78 ans, Bernard Tapie aurait pu couler des jours heureux de retraité milliardaire. Le mythique homme d'affaires, qui livre toujours une bataille devant les tribunaux quant à la vente de la société Adidas en 1992, posséderait sans doute aujourd'hui un compte en banque à dix chiffres s'il ne s'en était pas séparé... "Si je devais refaire ma vie, je ne changerais rien ! Il n'y a rien que je ne referais pas. Y compris la politique. L'autre jour, mon fils Laurent m'a dit : 'Tu as vu, papa, Adidas vaut 55 milliards à la Bourse'. 'Et alors ? lui ai-je répondu ? Et lui d'enchaîner : 'Quand même...' Eh bien, non, tu vois, Laurent, je revendrais quand même Adidas pour devenir ministre de la Ville. Même si ça n'a pas duré longtemps", clame ainsi Bernard Tapie. A l'époque, il avait vendu l'entreprise pour 2,085 milliards de francs soit... environ 450 millions d'euros avec l'inflation aujourd'hui.
S'il est connu comme patron de plusieurs sociétés, Bernard Tapie a eu mille vies et toutes ne lui ont pas rapporté la même chose. Mais ce n'était pas systématiquement l'argent qui l'intéressait. "Jouer avec Lelouch, faire de la télé, du théâtre, faire des dîners conférences, gagner le Tour de France avec Hinault ou la Ligue des champions, battre le record de la traversée de l'Atlantique, ou participer au redressement et au sauvetage du groupe de presse La Provence... Ma vie a été un bonheur continu et je ne suis pas certain qu'être patron d'Adidas pendant vingt-cinq ans m'aurait plu autant", ajoute-t-il.
Dans le détail, Bernard Tapie confie par exemple que ses cachets gagnés à la télévision quant il présentait le programme Ambitions - cinq numéros au total entre 1986 et 1987 - n'ont jamais fini à la banque : "Je les ai versés à l'abbé Pierre." Ou encore que son image de fossoyeur d'entreprises était infondée. "Je ne me suis jamais versé de salaire ni de dividendes dans aucune des sociétés que j'ai possédées. Je me suis rémunéré avec la plus-value à la revente", précise-t-il. Soucieux de ne pas non plus dilapider l'argent des Français, il jure avoir acheté une Renault sur ses deniers personnels quand il était ministre et il en payait aussi l'essence. "Quand on me présente la première enveloppe des fonds secrets, je demande à mon chef de cabinet de ne plus jamais me les donner et de faire la distribution comme il l'entend mais sans que je le sache", ajoute-t-il sur les pratiques de l'époque.
Aujourd'hui Bernard Tapie joue gros avec son procès en appel prévu à partir de mai 2021 dans l'affaire de l'arbitrage qui lui avait été favorable quant à son litige avec le Crédit Lyonnais lors de la revente d'Adidas. S'il venait à être condamné, cela pourrait donc lui coûter des millions. Avec le risque de devoir se séparer de ses biens, comme son hôtel particulier de Paris ou sa villa de Saint-Tropez ? L'homme d'affaires, qui lutte contre le cancer, a aussi racheté il y a quelque temps l'enseigne alimentaire bio La Vie Claire, devra-t-il renoncer à ses affaires ?
Le Point, édition du 22 avril 2021.