Bertrand Cantat et la mort de Marie Trintignant : 'J'ai voulu me flinguer'
Publié le 23 octobre 2013 à 08:54
Par Samya Yakoubaly | Rédactrice
Cinéphile, elle adore regarder des bande-annonces et des moments historiques à la télévision. Le prochain James Bond ou le discours d’investiture de Barack Obama lui donnent les mêmes frissons.
La couverture des Inrockuptibles du 23 octobre 2013 avec une interview exclusive de Bertrand Cantat, parlant pour la première fois depuis la mort de Marie Trintignant en 2003 La couverture des Inrockuptibles du 23 octobre 2013 avec une interview exclusive de Bertrand Cantat, parlant pour la première fois depuis la mort de Marie Trintignant en 2003
Marie Trintignant et ses parents Jean-Louis et Nadine Trintignant à Paris, le 10 mai 1999.
Kristina Rady rend visite à Bertrand Cantat à la prison de Muret, le 2 octobre 2004.
Bertrand Cantat sur scène à Paris pour un hommage à Alain Bashung, mars 2013.
Detroit (Bertrand Cantat et Pascal Humbert) - Droit dans le soleil - sortie le 30 septembre 2013.
Bertrant Cantat sur scène avec Amadou et Mariam, à Langon le 29 juillet 2012.
La suite après la publicité

L'interview-choc va être dans les kiosques mercredi 23 octobre dans la revue Les Inrocks, mais l'entretien fleuve de Bertrand Cantat se dévoile déjà. Le chanteur s'exprime pour la première fois sur la mort de Marie Trintignant, de la prison, du suicide de la mère de ses enfants, Krisztina Rady et de la musique. En couverture du magazine culturel et de société, l'artiste a besoin de nombreuses pages pour expliquer tout ce par quoi il est passé, depuis dix longues années. Condamné à huit ans de prison pour le meurtre en 2003 de sa compagne Marie Trintignant, il a été libéré en 2007.

Il y a dix ans, la comédienne Marie Trintignant, 41 ans, succombait sous les coups du chanteur, à l'époque leader de Noir Désir, Bertrand Cantat : "Je ne suis pas dans le déni de ce qui s'est passé, je sais que j'ai commis l'irréparable. [...] Je n'ai jamais fui ma responsabilité. Sauf peut-être en cherchant à mourir." Au fil des lignes, Bertrand Cantat veut que les choses soient claires : il ne nie rien. Cependant, il accepte la justice, mais pas la vengeance et s'insurge contre les histoires qui ont été écrites sur lui, pour le détruire ou pour vendre des papiers. Cette fois, il prend la parole, ce sera peut-être la dernière fois, songe le journaliste qui l'interroge, alors il lui dira tout.

De la mort à la prison

"Je n'ai rien compris à ce qui s'est passé dans l'action. C'est la pire des culpabilités. Après avoir accompagné Marie à l'hôpital, j'ai été viré et je suis revenu à l'appartement. Pour me flinguer. J'ai préparé mon suicide : en faisant couler un bain, en y préparant des lames de rasoir pour m'y trancher les veines et en prenant des médicaments pour m'abrutir." Il se réveillera à l'hôpital avec la police au pied de son lit.

De la prison en Lituanie, il dira : "A Vilnius, j'étais en isolement, je n'avais le droit de parler à personne. Je chantais, je hurlais seul, dans mon sous-sol. C'était une toute petite pièce, avec un vasistas qui laissait à peine passser un peu de lumière du jour. [...] Je ne pouvais pas dormir. De toute façon, j'en étais incapable. Alors ils m'abrutissaient de médicaments." Cantat livrera un souvenir particulier, comme pour illustrer son vécu : "Il s'est passé un truc bizarre dans les derniers mois à Vilnius : ils voulaient que je donne un concert dans la chapelle de la prison. On me faisait brièvement sortir de ma cellule pour répéter sur une guitare, j'avais perdu l'habitude, je finissais les doigts en sang. J'ai fait ce que j'ai pu. [...] Je n'ai aucun souvenir de ce concert".

Le rêve d'un suicide

Mettre fin à ses jours, c'est une idée qui sera récurrente dans toute sa discussion. "Je rêvais d'exploser pour qu'on me fiche la paix, qu'on me laisse avec la souffrance. J'étais désespéré par la disparition de Marie, par ma responsabilité. [...] L'écriture ? ça ne marchait pas. [...] J'ai dû arrêter. Ça me servait à maintenir le lien humain, mais le processus libératoire, non. [...] Rien ne pouvait me soulager. Il faut un minimum de confiance en soi pour écrire. Là, il ne me restait rien."

Sa raison de vivre est ses enfants, à l'heure de la prison et après : "En prison, je tiens grâce à l'amour que je reçois de l'extérieur. Sans les enfants, sans cette responsabilité, je me serais suicidé en prison. [...] J'aurais été bien plus tranquille si on m'avait laissé le faire. Je pétais les plombs, je hurlais que je voulais rejoindre Marie, je ne vivais que dans la douleur, le vertige.... Je n'ai jamais pu faire le travail de deuil, je n'en avais pas le droit. [...] Je n'ai jamais cherché à fuir ma responsabilité. Sauf peut-être en cherchant à mourir." En parlant du soutien de ses proches, Bertrand Cantat déclarera : "Le vrai cadeau ça aurait été de vouloir me laisser partir [mourir]. Mais je ne peux pas leur en vouloir de m'avoir accompagné."

Un homme en colère

Son ire se fait entendre lorsqu'il s'exprime sur le traitement dans les médias de l'affaire Trintignant : "Un certain détachement ? Qui peut oser dire une chose pareille ? Pour essayer de faire croire quoi ? J'étais anéanti de douleur en pensant à elle, mais aussi à ses enfants, ses proches. Je n'ai jamais voulu une chose pareille, il n'y a pas de mots pour dire ce que je ressentais. C'est ignoble, malhonnête. [...] Dès la première seconde, j'ai été dépossédé de l'histoire. Ma vision, mon témoignage n'ont pas eu droit de cité. J'ai su très vite que je ne pourrais pas m'expliquer. Mes remords, ma souffrance, ma sensibilité, ça ne marchait pas dans cette histoire. Je suis alors devenu une caricature. [...] Il fallait que je sois condamné le plus lourdement possible et qu'en sortant, je n'aie plus la moindre chance d'exister."

Bertrand Cantat évoque également le suicide de son épouse et mère de ses deux enfants Kristina Rady, en 2010. Le parquet de Bordeaux a indiqué la semaine dernière qu'il allait faire auditionner un ancien compagnon de Kristina Rady, qui estime que la jeune femme a pu en arriver là après des violences conjugales. "Chaque proche se demande ce qu'il n'a pas vu, pas fait ou fait... Moi le premier, mais les raccourcis et les accusations délirantes me concernant sont inacceptables", dit Bertrand Cantat. "C'est affreux, abject d'être devenu le symbole de la violence contre les femmes." Il estimera aussi qu'on a instrumentalisé les parents de celle qu'il appelle Cini pour le faire passer pour un monstre.

Le présent

Aujourd'hui, il est avec ses enfants, plongés dans une situation tragique mais qui n'ont pas souhaité quitter Bordeaux : "Ils le vivent mal. Surtout aujourd'hui, ils ne supportent plus l'accumulation. Ils ont été extraordinaires, avant d'être bien touchés. Ils sentent que rien n'est normal dans notre vie, alors qu'ils ont reçu l'éducation la plus normale qui soit." La mère de Bertrand Cantat est morte alors qu'il était en prison et de leur relation difficile depuis qu'il est adolescent, il préfèrera penser qu'avec le temps, les choses auraient pu changer.

Que lui reste-t-il ? La musique. "La scène me pousse vers un truc salvateur, qui me nettoie. Et puis je n'ai pas le choix. Je dois faire de la musique pour vivre aujourd'hui. [...] C'est le présent qui compte, je suis quelqu'un d'autre."


Jean-Daniel Beauvallet, qui a mené l'interview, précise dès le début de l'entretien et sur le site des Inrocks que le musicien s'est confié pendant "trois heures" et ne s'est "jamais défilé" : "On voulait lui parler non pas pour le disculper, le poser en victime : Bertrand Cantat, de ses mains, avait commis l'irréparable, l'indicible et avait été jugé pour cela. Pas question, donc, de refaire son procès – lui-même avait tout reconnu. [...] En vous fixant de son regard délavé, il demande juste le pardon de ceux que son geste de folie a entraînés dans ce tourbillon de malheur et de vies brisées. Il le sait, de toutes les prisons, il en est une dont il ne sortira jamais vivant : Bertrand Cantat." Le chanteur controversé a formé le groupe dit ouvert Detroit et il publiera, en collaboration avec son fidèle Pascal Humbert le 18 novembre un nouvel album, Horizons.

L'interview est à retrouver en intégralité dans Les Inrockuptibles du 23 octobre 2013

À propos de
Bertrand Cantat
Bertrand Cantat
"Un crime sordide" : Carla Bruni revient sur le meurtre de son amie Marie Trintignant, elle ne mâche pas ses mots
10 mars 2023 à 14:04
Tous les articles
Mots clés
People France Musique Top news Interview Scandale Mort Famille
Suivez nous sur Google News
Tendances
Voir tous les people
Sur le même thème
Marie (Mariés au premier regard 2024) en deuil 4 jours avant son anniversaire : son bel hommage à Lili
Marie (Mariés au premier regard 2024) en deuil 4 jours avant son anniversaire : son bel hommage à Lili
28 juillet 2024
Mariés au premier regard : Mariage d'une ex-candidate, le mari d'une célèbre chroniqueuse s'est occupé de la cérémonie ! play_circle
Mariés au premier regard : Mariage d'une ex-candidate, le mari d'une célèbre chroniqueuse s'est occupé de la cérémonie !
16 septembre 2024
Les articles similaires
Affaire Abbé Pierre : Nolwenn Leroy, qui l'a côtoyé de son vivant, brise le silence play_circle
Affaire Abbé Pierre : Nolwenn Leroy, qui l'a côtoyé de son vivant, brise le silence
10 septembre 2024
Un mois après le départ éternel de son père Alain Delon, Anthony Delon retrouve le sourire à Douchy en bonne compagnie play_circle
Un mois après le départ éternel de son père Alain Delon, Anthony Delon retrouve le sourire à Douchy en bonne compagnie
14 septembre 2024
Dernières actualités
"Je ne peux pas" Voilà ce que Faustine Bollaert ne fera jamais avec son mari Maxime Chattam play_circle
"Je ne peux pas" Voilà ce que Faustine Bollaert ne fera jamais avec son mari Maxime Chattam
21 décembre 2024
Carla Bruni-Sarkozy, son fils Aurélien à des milliers de kilomètres de la France : il en prend plein les yeux ! play_circle
Carla Bruni-Sarkozy, son fils Aurélien à des milliers de kilomètres de la France : il en prend plein les yeux !
21 décembre 2024
Dernières news