En octobre 2017, portée par le mouvement mondial #MeToo, Björk révélait enfin les humiliations que lui a fait subir Lars von Trier sur le tournage de Dancer in the Dark qui leur a valu, à tous les deux, les honneurs du Festival de Cannes en 2000 avec le prix d'interprétation féminine et la Palme d'or. "Il est devenu très clair en faisant l'actrice que les humiliations et, dans une moindre mesure, le harcèlement sexuel étaient la norme et avaient lieu dans un environnement dans lequel le réalisateur et une équipe de douzaines de personnes les provoquaient et les encourageaient. J'ai compris qu'un réalisateur avait tous les droits, comme celui de toucher ou de harceler ses actrices et que l'institution du cinéma l'y autorisait", écrivait l'artiste islandaise dans un post Instagram très fort.
À l'occasion de sa nouvelle tournée, l'Utopia Tour, et de son concert dimanche 3 juin au festival We Love Green à Paris, Björk a accordé une grande interview aux Inrockuptibles. Elle revient sur ce témoignage, qui fut suivi d'une réponse cinglante du réalisateur danois et de son producteur, et révèle qu'elle l'a fait avant tout pour sa fille Isadora, née de ses amours avec l'artiste américain Matthew Barney : "Je trouve que ce qu'il s'est passé à la fin de l'année 2017 marque un moment déterminant dans l'histoire. J'ai une fille de 15 ans. Si je voulais qu'elle grandisse dans un monde différent, il fallait que je fasse ma part du travail. Prendre la parole n'était pas quelque chose de facile pour moi. C'était libérateur mais humiliant. (...) Ma mère est née en 1946. Elle appartient à une génération de féministes qui s'est battue sans relâche pour changer les choses et nous libérer. J'ai l'impression qu'aujourd'hui, le monde est prêt pour une deuxième vague de changement."
Le monde est prêt pour une deuxième vague de changement
Björk et Matthew Barney se sont séparés il y a quelques années après avoir vécu une grande histoire d'amour. La rupture, à l'initiative de Barney, a profondément blessé l'artiste islandaise qui s'est reconstruite à travers Vulnicura (2015), son album précédant, aux textes déchirants. Avec l'album Utopia (2017), collaboration d'une grande richesse avec le jeune artiste vénézuélien Arca, porté par le single qui donne son titre à l'album ainsi que The Gate, Blissing Me et Arisen My Senses, Björk invente un monde où le chant des oiseaux et les flûtes composent l'essentiel du paysage. Et comme un dernier bras d'honneur à son ex, qui l'a traînée en justice pour la garde de leur fille, elle chante le téméraire Sue Me (du verbe to sue, attaquer en justice en anglais) et met un point final à cette histoire... Comme elle l'a fait avec le cinéma.