Le mouvement #MeToo arrivera-t-il jusque dans les coulisses de la musique classique ? Après le témoignage des soeurs Berthollet, celui de la soprano Chloé Briot pourrait bien y contribuer. Le 19 août 2020, La Lettre du musicien a publié le récit de l'artiste de 32 ans, qui a porté plainte pour agressions sexuelles. Elle affirme avoir été abusée par un collègue chanteur lors d'une production.
Les faits se seraient produits entre octobre 2019 et février 2020, lorsque Chloé Briot interprétait le premier rôle de l'opéra contemporain L'Inondation, avec des représentations données à l'Opéra-Comique de Paris, à Rennes et à Nantes. C'est lors des deux scènes de sexe que la chanteuse partageait avec son collègue que celui-ci l'aurait agressée, aussi bien lors des répétitions qu'en plein spectacle. "Je n'arrivais pas à dire à mon collègue que sa manière de me toucher me déplaisait. Il me faisait systématiquement passer pour une 'chieuse' auprès du metteur en scène, en prétendant que j'étais 'coincée du cul'", raconte la jeune femme.
À Rennes, l'homme aurait "palpé [son] sein droit comme de la pâte à modeler". "J'ai tenté de me recroqueviller pour qu'il ne puisse plus me toucher, s'est souvenue l'artiste. Dans la deuxième scène, il a écarté violemment mes jambes en mettant sa tête sur mon sexe. Durant une autre représentation, il m'a murmuré : 'J'ai envie de te faire mal, j'ai envie d'y aller.'"
Après avoir rapporté ces agressions au metteur en scène et au directeur de l'Opéra de Rennes, Matthieu Rietzler, qui assure avoir "exigé une surveillance particulière", Chloé Briot n'a pu compter sur aucune protection lors des représentations suivantes à l'Opéra de Nantes. "Il n'y a eu aucun changement, et le directeur Alain Surrans n'avait manifestement pas été mis au courant malgré ma demande. J'avais beau décrire la gravité des gestes dont j'étais victime (...), j'étais seule face à mon agresseur, que je retrouvais tous les soirs sur scène." L'opéra L'Inondation devrait revenir sur la scène de l'Opéra-Comique en 2023-2024 avec Chloé Briot, mais pas avec son ancien collègue.
La jeune soprano reste traumatisée par cette expérience, au point de se dire "cassée" : "Je ne sais pas comment remonter sur scène et je ne dors plus (...). Je n'ai pas pu chanter durant plusieurs semaines après cette agression." Consciente qu'elle risque d'être "écartée des productions", Chloé Briot a malgré tout trouvé le courage de porter plainte et espère ainsi briser "la loi du silence qui règne à l'opéra". Son agresseur présumé, qui fait donc l'objet d'une enquête, risque quant à lui jusqu'à 5 ans de prison et 75 000 euros d'amende.