La journaliste Christine Ockrent est dans une bien mauvaise posture. La directrice générale déléguée de France 24 est en train de se mettre à dos le PDG - qui était son meilleur ami ! - (Alain de Pouzilhac)... et les journalistes de la chaîne. Ses jours semblent comptés au sein du groupe. Non seulement sa légitimité à ce poste est remise en cause depuis son arrivée il y a deux ans, mais en plus ses relations tumultueuses avec le PDG aggravent son cas...
Un poste gagné par cooptation ?
Depuis avril 2008, une société holding a été créée pour réunir trois sociétés télévisuelles : RFI, TV5 et France 24. Le but de cette Société Audiovisuelle de l'Extérieur de la France (SAEF) est de de mutualiser les forces de chacune de ces chaînes pour permettre un rayonnement mondial de la communication du pays.
Si Alain de Pouzilhac en est devenu le PDG, Nicolas Sarkozy a fortement contribué à la place de Christine Ockrent au poste de DG de ce groupe public : pas étonnant quand on sait que la SAEF est sous l'égide du ministère des affaires étrangères. Et que le ministre en question n'est autre que Bernard Kouchner, heureux mari d'Ockrent ! Le couple est très ami et très proche du président de la République.
En effet, si le budget de cette société dépend du ministère de la communication, les grands axes décisionnels sont bien gérés par le Quai d'Orsay. Un conflit d'intérêt pour Kouchner ? C'est bien ce que le public et les journalistes craignaient lors de la nomination d'Ockrent à ce poste. Ce à quoi Kouchner avait répondu : "S'il y avait conflit d'intérêt, je serais le premier à le reconnaître, je ne me mêlerai pas du tout d'audiovisuel extérieur, j'en fais le serment". C'était en effet Alain Joyandet (secrétaire d'Etat à la Coopération) qui gérait ce dossier. Mais quand celui-ci a quitté ses fonctions, en juillet dernier, c'est bien à Kouchner que le dossier SAEF est revenu. De quoi poser à nouveau des questions sur la légitimité du poste de son épouse...
La guerre de pouvoir Alain de Pouzilhac / Christine Ockrent
Mais cette accusation de cooptation n'est que l'arbre qui cache la forêt puisqu'un conflit plus profond gangrène la société France 24 : une guerre de pouvoir entre la directrice Christine Ockrent et son supérieur Alain de Pouzilhac.
Libération nous apprenait le 30 août dernier que Ockrent aurait licencié le directeur adjoint de la rédaction de France 24, Albert Ripamonti. Une action vite corrigée par le PDG qui a réintégré le malheureux... en mettant sur la touche Vincent Giret, directeur de la rédaction. Pourquoi ce va-et-vient ? Parce que Ripamonti est un proche de Poulizhac... quand Giret est un allié d'Ockrent : un subtil jeu pour toucher son rival en s'attaquant à son entourage. Un jeu dont Poulihac semble sortir gagnant puis Giret devrait prochainement être convoqué à un entretien préalable à son licenciement, d'après le site du nouvelobs.com.
Un lourd déficit financier
Dans cette conquête du pouvoir au sein de la direction de France 24, les têtes ne cessent de tomber (la DRH, le directeur de la technologie et le directeur du multimédia en ont été victimes ces derniers mois) : ce qui commence à exaspérer les salariés. D'autant que le climat économique est aussi inquiétant que le climat social puisque la société connaît un déficit (le déficit prévisionnel de cette année est estimé entre 5 et 10 millions d'euros). Ce qui ne rassure pas les salariés...
Il n'en fallait pas plus pour que le syndicat réclame une motion de défiance à l'encontre de Christine Ockrent, nous annonçait Libération lundi dernier. Un motion réclamée par l'assemblée générale pouvant logiquement amener à la démission du responsable. En l'occurrence Madame Kouchner..
Grève et motion de défiance contre la direction
Le Libé de ce 1er septembre annonce que la direction de France 24 n'a toujours pas communiqué sur les faits et sur le conflit interne. Il semblerait qu'une nouvelle assemblée se tienne aujourd'hui pour voter une motion de défiance contre Pouzilhac et Ockrent.
Et ce n'est pas fini puisque la CFDT, ne supportant plus le climat social instable (Ockrent est aussi accusée d'être à l'origine d'humiliations dans la société), a déposé hier un préavis de grève "illimité" à partir du lundi 6 juillet prochain. Rodolphe Paccard, délégué CFDT regrette les événements : "La situation est malsaine et il y a une très mauvaise ambiance à la rédaction en ce moment". Le syndicat réclame ainsi "des réponses sur les dérives budgétaires qui hypothèquent l'avenir de la chaîne".
Le futur de France 24 semble désormais incertain. De plus, le divorce Pouzilhac/ Ockrent paraît maintenant inévitable. Cette guerre de pouvoir entre les deux têtes pensantes de France 24 n'est pas sans rappeler celle qui opposait Nonce Paolini et Axel Duroux à la direction de TF1. Un conflit qui s'était soldé par le départ précipité de Duroux laissant Paolini seul aux commandes...
Faut-il s'attendre au même scénario chez France 24 ?
AJC