Depuis mi-janvier, Clotilde Hesme, jeune maman de 38 ans de deux enfants, est à l'affiche du Jeu de l'amour et du hasard de Marivaux au Théâtre de la Porte Saint-Martin. L'actrice y est dirigée par la comédienne et metteur en scène Catherine Hiegel dans cette pièce classique du répertoire, présentée ici dans un décor bucolique, des costumes d'époque, mais portée par une troupe à l'énergie et la drôlerie décapantes.
La talent de Clotilde Hesme, dans le rôle d'une jeune femme qui, pour observer secrètement son prétendant, se fait passer pour sa servante et inversement, est de dire son texte comme si Marivaux, mort au XVIIIe siècle, était un de nos contemporains. Elle joue comme elle respire. Face à elle, le truculent Nicolas Maury de Dix pour cent et des Rencontres d'après minuit, dévoile une palette plus sombre de son jeu dans le rôle quasi dramatique du prétendant pour qui l'amour ne prête vraiment pas à rire.
Les servants interprétés par Laure Calamy (elle aussi géniale dans Dix pour cent dans le rôle de l'assistante amoureuse de Mathias Barneville) et Vincent Dedienne sont redoutables : ils exploitent chaque subtilité dans le texte de Marivaux, mais aussi chaque centimètre de leur visage et de leur corps – ce moment où ils s'assoient élégamment dans l'herbe du jardin est magique – pour déclencher le rire et un émerveillement presque enfantin chez le spectateur.
Un autre duo s'ajoute aux deux premiers, celui composé d'Alain Pralon et Cyrille Thouvenin : un père et son fils qui savent ce qui se trame entre les différents personnages. Comme le spectateur, ils brûlent de savoir comment cette comédie pourrait bien se terminer, attisant s'il le faut la passion et la jalousie des uns et des autres... Le jeu de l'amour et du hasard.
Catherine Hiegel a eu cette idée magnifique : dans son superbe décor, signé Goury et magnifiquement éclairé par Dominique Borrini, une fenêtre est grand ouverte sur une violoncelliste (Camille Gueirard ou Vérène Westphal en alternance). Elle joue déjà quand vous pénétrer dans la salle, vous observe à travers ses jumelles et joue encore pendant la pièce. Lorsqu'elle pose son archet, elle regarde ce qu'il se passe juste sous ses yeux. Le spectateur est intrigué, s'interroge lorsqu'elle pose sa tête nonchalamment sur sa main : est-ce que cela est aussi mis en scène ? On se retrouve en elle et un dialogue invisible s'installe, on guette ses réactions. Cela rend encore plus précieux le jeu de Clotilde et ses camarades qui s'agitent, fous amoureux, entre elle et nous. Comme si, dans un cabinet de curiosités, des dizaines de têtes se penchaient au-dessus d'une boîte à musique dans laquelle virevoltent Vincent Dedienne, Laure Calamy et les autres...
Purepeople a assisté à la représentation de vendredi 26 janvier. Catherine Hiegel assistait à sa pièce depuis l'orchestre. La troupe, qui a reçu une standing-ovation, joue du mardi au vendredi à 20h, le samedi à 16h et 20h30 ainsi que le dimanche à 16h jusqu'au 31 mars 2018. Faites-vous plaisir, courez-y !