Neuf ans après la disparition de la "Queen Mum", la vénération des Britanniques à l'endroit de celle qui fut l'épouse du roi George VI et lui survécut 50 ans tandis que leur fille aînée devenait (en 1952) l'actuelle reine Elizabeth II a un nouvel objet : la discothèque personnelle de "la plus merveilleuse des grands-mères", comme lui avait tendrement rendu hommage le prince Charles, a été dévoilée. Et son contenu a de quoi surprendre.
Décédée en mars 2002 à l'âge de 101 ans, quelques semaines à peine après la mort de sa fille cadette la princesse Margaret, la reine mère, restée dans l'histoire comme une héroïne britannique lors de la Seconde Guerre mondiale, n'a donc pas livré tous ses secrets : la petite centaine de disques vinyles - la reine mère n'avait pas pris part à la révolution du laser disc - révélés il y a quelques heures le prouvent.
Cette étonnante collection mise au jour est issue des murs du château de Mey. Elizabeth Bowes-Lyon avait eu le coup de foudre pour ce château littoral sis à Caithness, dans l'extrême nord-est de l'Ecosse, dont la première fondation remontait au XVIe siècle. En 1952, accablée par le décès préméturé de son époux le roi George VI, la reine mère s'était retirée en Ecosse, son pays d'origine, avant de revenir sur la scène publique, encouragée par Winston Churchill. Quelques mois plus tard, elle acquérait ce château et son domaine, en supervisait les rénovations et lui restituait son nom originel. Le lieu, aujourd'hui ouvert au public tous les étés, devint sa résidence secondaire fétiche à partir de 1955 : elle avait coutume d'y venir trois semaines en août et dix jours en octobre afin de "se couper de tout".
De se couper de tout et... d'y écouter de la musique. Y compris du calypso, perle caribéenne dont elle s'était entichée au cours d'un voyage !
A côté des pièces classiques attendues, notamment L'Ode du couronnement d'Edgar écrite pour Edward VII et qui avait été jouée lors du sacre de son époux, des discours de Winston Churchill en temps de guerre, ou encore plusieurs albums de groupes de folk écossais des Highlands (ce qui a fait leur fierté quand ils ont appris qu'elle les écoutait dans son château), on trouve par exemple La Vie en Rose d'Edith Piaf, dont elle était fan, mais aussi quelques curiosités : The Desperadoes Steel Orchestra, un groupe de calypso de Trinidad, en fait partie, tout comme Wilf Carter, un obscur chanteur de country canadien connu pour ses yodels sous le pseudo Montana Slim !
William Shawcross, biographe officiel de la reine, raconte : "Au cours d'un voyage dans les Caraïbes dans les années 1960, elle a découvert le ska et a adoré. Noel Coward, un ami proche, avait une résidence en Jamaïque, et elle aimait y venir. La reine mère avait beaucoup d'admiration pour lui [plusieurs disques de son cru ont été trouvés à Mey, NDLR] et trouvait ses chansons merveilleusement spirituelles."
Avec son petit-fils le prince Charles, elle savourait également l'humour de The Goons, elle qui avait par ailleurs dans cette collection dévoilée des sketches de Peter Sellers.
Peu portée sur la musique moderne et étrangère à la pop, la reine mère avait par ailleurs l'album Graceland de Paul Simon, paru en 1986, en bonne place dans sa discothèque. Un ancien employé, qui passa plusieurs décennies au service d'Elizabeth, se souvient : "Elle avait des goûts très éclectiques et prenait plaisir à écouter de tout, des groupes écossais aux comédies musicales [Oklahoma! et The King and I figuraient dans sa collection, NDLR]. Je ne crois pas qu'elle appréciait beaucoup la pop, mais elle adorait écouter Terry Wogan sur Radio 2. Elle suivait son émission tous les matins, avant de descendre." Et de souligner par ailleurs qu'elle avait un "fantastique sens de l'humour".
Le biographe William Shawcross rappelle, de son côté, que des éléments fondateurs ont pu nourrir la passion de la reine mère pour la musique : "Au château de Glamis, où elle grandit durant la Première Guerre mondiale, on chantait autour du piano. Elle passait du temps avec les soldats blessés qui récupéraient au château ; souvent, le soir, ils chantaient ensemble dans une belle ambiance."Fait amusant, malgré sa gourmandise mélomane, la reine n'était jamais passée au CD et se contentait, notoirement économe, de matériel de locationainsi que d'un bon vieux tourne-disques.
A quand un inventaire de la discothèque de sa fille la reine Elizabeth II, qui célébrera en 2012 son jubilé de diamant ?
G.J.