17 novembre 1993, il reste une poignée de secondes à jouer entre la France et la Bulgarie qui s'affrontent au parc des Princes pour une qualification en Coupe du monde qui se disputera l'année suivante aux États-Unis.
Le score de parité (1-1) qualifie la France, mais une contre-attaque de 90 mètres à la dernière seconde ponctuée par un but de Kostadinov ruine les rêves tricolores. Un traumatisme national, une incompréhension générale, tant la France avait son destin en main. Et pour le sélectionneur Gérard Houllier, un seul homme est responsable de ce désastre : David Ginola, auteur d'un centre raté à l'origine de la contre-attaque.
Depuis, Gérard Houllier, devenu directeur technique national, n'a eu de cesse de s'en prendre à son ancien joueur en des termes très durs, l'obligeant à s'exiler en Angleterre. Un véritable cauchemar qui, dix-huit ans après, dure toujours pour David Ginola. Mais ce dernier a décidé de poursuivre Gérard Houllier pour "injures publiques et diffamation" suite à de nouveaux propos tenus dans son livre Secrets de coach publié à l'automne 2011, dans lequel il utilisait, entre autres gentillesses à l'encontre de David Ginola, le terme "salaud". En 2010 déjà, il avait traité le sportif de "con" et utilisé l'expression "crime contre l'équipe" en parlant du centre raté.
Mercredi 7 mars dans l'après-midi se déroulait donc l'audience au tribunal de Toulon. "Pour ça (l'utilisation du mot crime), je m'excuse. Je devais dire faute grave et pas crime", a expliqué l'ancien sélectionneur âgé de 65 ans. Mais si Gérard Houllier, visiblement embarrassé, s'est dit désolé d'avoir utilisé le terme "crime", celui de "salaud" reste d'actualité...
Cette audience a finalement surtout été l'occasion pour David Ginola de laisser parler son coeur, de vider son sac après des années à ruminer en s'adressant directement à celui qui, ainsi que le rapporte L'Équipe, aurait fait de sa vie un véritable cauchemar : "Comment avez-vous pu me jeter dans la fosse aux lions ? Comment avez-vous pu me faire vivre un enfer à moi et à ma famille ? (...) Un entraîneur se doit de protéger ses joueurs. (...) A l'époque, pas un seul joueur n'a pris ma défense. Si on prend 5 buts contre Israël (2-3 le 13 octobre 1993) et la Bulgarie, c'est ma faute ? J'ai été sifflé sur tous les stades en France, après. Que vous ai-je fait, que vous ai-je fait ? J'ai l'impression que ma vie se résume à dix secondes. Après ça, je n'ai pas fait 1996 (l'Euro) ou 1998 (Coupe du monde), je me suis exilé en Angleterre... Ça ne me fait pas plaisir d'être là, mais ça suffit ! (...) Je sollicite un droit à l'oubli."
Moment de flottement dans la salle, Gérard Houllier tente de répondre, de toute évidence mal à l'aise. "La défaite, c'est moi, a-t-il confié. Je n'ai pas pris les décisions que j'aurais dû prendre." Mais l'homme tente d'expliquer qu'il n'a rien contre David Ginola, une personne qu'il "aime bien." : "Je regrette qu'il ait interprété tout ça comme ça... Il y a un décalage entre ce que j'ai dit et ce qu'il ressent."
David Ginola a demandé 5 000 euros de dommages et intérêts, qu'il reversera à une association caritative. Le verdict est attendu pour le 4 avril prochain.