Ce n'est pas le même homme qui est entré dans la salle 1324, au 13e étage du building de la Court house. Rasé de près, chemise col ouvert, veste verte foncé et pantalon gris, Dominique Strauss-Kahn ne ressemblait en rien à l'homme sonné, K.O. debout, lors de la dernière audience menée par la souriante mais ferme Melissa Jackson, la juge de la cour criminelle du tribunal de Manhattan qui l'avait envoyé sans état d'âme, derrière les barreaux de la prison de Rickers , lundi 16 mai.
Alors qu'on apprenait juste au début de l'audience, à 20H40 (heure de Paris) qu'il était formellement inculpé par un grand jury, DSK va pourtant être remis en liberté sous caution. Jeudi, le tribunal de New York a fait droit à la demande de ses avocats , moyennant des conditions de surveillance extrémement strictes. Du quasi-jamais vu, même Madoff n'avait pas été libéré dans ces conditions ! Sa caution a été fixée à un million de dollars avec un dépôt de garantie supplémentaire de 5 millions de dollars qui pourrait être gagé sur la propriété de Washington ou tout autre bien appartenant à DSK ou son épouse Anne Sinclair , mais sur le territoire des Etats-Unis. DSK, accusé d'agression sexuelle par une employée d'un hôtel Sofitel de New York, est assigné à résidence sous surveillance électronique. Il devra également avoir constamment un gardien armé avec lui. Un homme qui sera employé entièrement à ses frais. Une liberté conditionnelle à risques (le juge peut à tout moment révoquer sa libération en cas de soucis) dans une prison dorée...
Quand il a quitté la salle d'audience, l'ancien ministre du gouvernement Jospin a esquissé un geste de la main et un léger sourire en direction de son épouse et de sa fille Camille qui avaient suivi toute cette audience, au premier rang, main dans la main et très émues. Camille a souvent été au bord des larmes. Il a passé une quatrième nuit à la prison de Rikers Island, avant le paiement de sa caution aujourd'hui vendredi, et la certitude que tout ce qui a été exigé par le juge soit bien mis en place dans l'appartement de Manhattan désigné. La prochaine audience de DSK devant la justice est fixée au 6 juin prochain et donnera lieu à la lecture de l'acte d'accusation, avec les détails.
L'annonce de son inculpation formelle par le Grand Jury signifie que Dominique Strauss-Kahn passera en procès à moins qu'il ne plaide coupable, ce qu'il ne fera pas. La teneur de la lettre envoyée au FMI ne lui permet pas. Ses avocats et la noria de conseillers, détectives et autres enquêteurs qui les entourent vont tout faire (et ils en ont les moyens financiers !) pour mettre à mal la déposition de la jeune femme.
Sept chefs d'accusation ont été retenus contre lui : acte sexuel criminel au premier degré (deux chefs d'accusation), tentative de viol au premier degré, abus sexuel au premier degré, séquestration au second degré, agression sexuelle au troisième degré et attouchement sexuel. La décision a été prise en secret par un grand jury qui réunit des citoyens à huis clos et en dehors de la présence d'un juge. Cette instance, qui a entendu mercredi la victime présumée, une immigrée guinéenne âgée de 32 ans, avait jusqu'à vendredi au plus tard pour rendre sa décision. Leur "religion" a été rapidement faite puisque dès le milieu d'après-midi le bruit courait que leur décision était déjà prise.
La jeune femme, maman d'une ado de 15 ans, a déclaré via son avocat, qu'elle avait peur que DSK soit libéré. Elle peut s'inquiéter, la pauvre fille. Tout va être mis en oeuvre pour mettre à mal son témoignage. Elle va être broyée par la machine de guerre que les époux Strauss-Kahn vont mettre en place, à moins qu'un comité de soutien ne se constitue pour l'aider à faire face à leur puissance de feu...
C'est d'un pas assuré et la mine triomphante qu'Anne Sinclair est sortie du tribunal avec Camille avant de s'engouffrer dans une voiture. Elle peut être fière d'elle, elle a sauvé son homme. Aux Etats-Unis, la presse la surnomme déjà The Good Wife, titre d'une série télé un peu similaire à ce qui lui arrive...